Christine de Pisan

Christine de Pisan

jeudi 14 novembre 2013

Des médecins pour la pénalisation de l'achat de prostitution


La prostitution, c'est un nombre incalculable et quotidien de pénétrations vaginales, anales, buccales non désirées. La question de la santé des personnes prostituées ne peut être posée si l'on refuse d'ouvrir les yeux sur cette réalité. 

(...)

L'interdiction de l'achat d'acte sexuel et la dépénalisation des personnes prostituées contribueront à faire changer le regard de la société : les personnes prostituées ne seront plus stigmatisées, elles ne seront plus considérées comme des délinquantes. C'est l'acheteur de sexe qui sera sanctionné. Les personnes prostituées pourront donc plus facilement refuser un rapport sexuel non protégé ou dénoncer la violence d'un client.


Signataires
Ségolène Neuville, infectiologue ; Axel Kahn, médecin, généticien ; Damien Mascret, médecin, sexologue ; Emmanuelle Piet, gynécologue ; Gilles Lazimi, médecin généraliste ; Matthieu Lafaurie, infectiologue ; Nathalie de Castro, infectiologue ; Matthieu Saada, infectiologue ; Marie Lagrange-Xélot, infectiologue ; Anne Gervais, hépatologue ; Judith Trinquart, médecin légiste ; Muriel Salmona, psychiatre ; Jean-Pierre Salmona, cardiologue ; Nelly Mortiniera, endocrinologue ; Muriel Bénichou, endocrinologue ; Amina Radaoui, endocrinologue ; Agnès Setton, médecin du travail ; Marianne Baras, médecin légiste ; Gérard Lopez, psychiatre ; Marie Médus, médecin généraliste ; Claude Lejeune, pédiatre ; Anne-Laurence Godefroy, médecin généraliste ; Milagros Ferreyra, infectiologue.


mercredi 13 novembre 2013

Contribution du CERF à la commission spéciale sur la prostitution


Contribution écrite du CERF à la commission spéciale sur la prostitution

Nous souhaitons attirer l’attention de la commission sur :
-          un élément à prendre en considération dans la décision de limiter indirectement la « liberté » des prostituées (1) 
-          la nécessité de définir les relations sexuelles pour contrer la demande de « soins » sexuels aux infirmes (2)
-          et répondre à une question  du Président sur la notion de besoin (3).  [ voir ici :  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4823#     Audition de personnes sorties de la prostitution  ]
Nous vous indiquons également nos demandes sur deux  autres points de votre proposition ( 4 et 5). A leur sujet, nous approuvons les arguments déjà exposés par d’autres devant votre commission. 



1-     1-  L’achat d’acte sexuel, même éventuellement librement consenti,  doit être interdit au nom de la liberté des tiers. Il met en cause la liberté effective de chaque femme de ne pas se prostituer.

2-      2 - Définition des relations sexuelles devant rester hors commerce.

3-     3-  Il n’existe pas de besoin (ni masculin ni féminin) ni de droit à des relations sexuelles

4-     4  L’incrimination doit être délictuelle car  la prostitution est une atteinte à l’intégrité physique de personnes

5-     5  Mesures d’accompagnement : nous demandons l’abrogation de toute incrimination visant les prostituées, et l’abrogation de toute fiscalisation ou obligation au paiement de charges sociales portant sur les recettes de la prostitution : l’Etat et les caisses sociales doivent cesser d’être proxénètes.


1     -   L’achat d’acte sexuel, même éventuellement librement consenti,  doit être interdit au nom de la liberté des tiers.  Il met en cause la liberté effective de chaque femme de ne pas se prostituer.

Le législateur s’interroge sur le point de savoir s’il doit évaluer la proportion de femmes en situation de prostitution par choix, avant de décider de mesure restreignant leur clientèle. Notre réponse est non. Il faut refuser les objections à la pénalisation de l’achat de prostitution au nom de la liberté de prostituées qui seraient consentantes. Car même si  99% des femmes offrant un acte sexuel contre rémunération avaient pleinement consenti à cet acte, l’achat devrait en être interdit en raison de sa nocivité pour les tiers.
La liberté consiste à faire ce qui ne nuit pas à autrui, la liberté n’a de borne que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance des mêmes droits.
Tout comme la liberté du commerce valablement consenti entre des parties est limitée en raison de l’intérêt des tiers, l’achat de prostitution est une atteinte nécessaire à la liberté du client et de la prostituée même dans l’hypothèse où celle-ci serait pleinement consentante, en raison de l’intérêt des tiers.
Or lorsqu’un homme (ou éventuellement une femme) achète à une femme ou un jeune homme un acte sexuel,  la liberté d’autres femmes ou jeunes filles de refuser  de se prostituer est réduite et remise en cause.  Car son acte entraine une série d’autres actes et situations qui vont réduire ou anéantir la liberté d’autres femmes de  refuser la prostitution ou le chantage à l’emploi. Cet acte est donc dangereux pour la liberté d’autrui et doit pour cette raison être interdit.
Lorsqu’un homme paie pour un acte sexuel,  il fait savoir aux femmes qu’il est prêt à utiliser son argent, son pouvoir économique pour un autre usage que l’entretien de son propre foyer, ou la charité envers les personnes dans le besoin, ou bien envers les salariés de son entreprise. 
Il fait savoir qu’il existe dans la société des fonds qui sont réservés à celles qui acceptent l’accès, la mise à disposition de leur corps, mais pas pour les autres.
Il fait savoir qu’il existe des hommes qui estiment que l’accès au corps d’autrui est pour eux une aspiration, un désir suffisant pour justifier une dépense, qui estiment ou prétendent pour certains qu’ils en auraient besoin, ou qui estiment qu’ils le « valent bien ».
Ce message signifie aux femmes, qui si elles ont besoin d’argent,  elles en trouveront plus difficilement en refusant des actes sexuels.
Car les hommes qui auront affecté de l’argent à l’obtention d’actes sexuels, font ainsi savoir qu’ils ne sont pas disposés à épouser des femmes qui n’acceptent pas certaines pratiques sexuelles, qu’ils ne  sont disposés à aider sans contrepartie des femmes dans le besoin.
Ils font savoir qu’ils ne sont pas enclins à embaucher des femmes qui ne leur fourniront pas en plus de leur travail, des faveurs sexuelles quelconques : de la relation sexuelle proprement à l’acceptation d’entendre des propos sexuellement explicites, en passant par les mains aux fesses et autres contacts ayant une signification sexuelle.
Dès lors que des hommes font savoir qu’ils sont dans cette disposition d’esprit, parlent de « besoin », se présentent comme « demandeur »,  ils créent une incitation pour des femmes et leurs proxénètes à produire une « offre ».
En effet, dès leur qu’un commerce est envisageable, les personnes recherchant un profit vont non seulement créer une offre. De plus, elles vont rechercher à provoquer une augmentation de leur marché par une augmentation de la demande, elles vont « créer le besoin », et même tenter de créer une dépendance au produit.
Ainsi, les femmes prostituées et leurs proxénètes, marchands de pornographies inclus, vont tenir un discours faux et dangereux sur la sexualité et l’affectivité humaine et sur les femmes, en disant aux hommes qu’ils ont des besoins irrépressibles et qu’il y a des femmes faites pour cela.
Ces deux affirmations sont fausses et dangereuses. Fausse, ce  sera l’objet de notre deuxième partie.
Dangereuses car elles incitent ou favorise au viol, à  l’inceste et au chantage à l’emploi.
Elles incitent au viol car elles lui donnent une prétendue justification et une prétendue excuse : s’il y a besoin …
Elles favorisent l’inceste car elles lui donnent une prétendue excuse : la petite ou jeune fille ferait partie de ces femmes « faites pour cela », aimerait cela. Comme l’expliquait encore il y a peu la psychanalyse : elles fantasment toutes cela…
Elles favorisent le chantage  à l’emploi car si l’acte de sexuel est présenté comme si anodin, si peu de chose, pour certaines femmes, il peut apparaitre naturel à des employeurs  ou collègue  de demander aux femmes de le donner en prime avec leur travail, ce n’est pas leur demander grand-chose au fond …
Tant que l’achat d’acte sexuel ne sera pas interdit, les pressions exercées sur les femmes pour entrer dans une situation de prostitution ou céder à un chantage à l’emploi, seront fortes et ne pourront pas être efficacement contrecarrées. La liberté des autres femmes de ne pas se soumettre à la prostitution sera entamée en pratique. Toute femme, sera menacée d’être frappée par le « stigmate de la putain ».
Le droit commercial interdit certaines pratiques commerciales qui sont pourtant réalisée avec un consentement parfait des parties prenantes, en raison de leur nocivité pour des tiers, pour l’intérêt général. Si l’on considère l’aspect marchand de l’achat d’acte sexuel, on voit que le type de problème est le même :  quand bien même la convention serait irréprochable entre les parties, la réalisation de certains actes contre paiement, doit être interdite en raison de leur nocivité pour les tiers.
Il est assez grotesque d’entendre, au sujet de la prostitution, des plaintes sur un ton geignard émaner par des hommes d’affaires ou de politiciens parfaitement informés du droit commercial et de la loi de l’offre et de la demande. L’appel à la sensiblerie ou à la commisération table de manière à la fois cynique et insultante sur une naïveté des femmes et de leurs défenseurs à propos du droit des affaires. Il table aussi sur la propension à voir « différemment » tout ce qui concerne les femmes.  Mais les partisans de la liberté de commercialiser l’acte sexuel, placent eux-mêmes le débat sur le terrain du droit commercial  …  Parlons donc liberté de commerce.
Le droit commercial interdit par exemple la vente à perte.  Dans le cas de vente à perte, toutes les parties sont consentantes. Le producteur ou le distributeur a librement déterminé son prix, le consommateur est tout prêt à acheter à un prix favorable.
Mais la réalisation de ventes à perte a des effets destructeurs sur l’économie. Elle  aboutit à la destruction d’entreprises concurrentes, incapable de financer un alignement sur les prix cassés. Cette destruction entraine des pertes d’emploi et de capacité de production.  Elle aboutit ensuite à des situations de monopoles. Ce monopole signifie une réduction de la diversité de la qualité des produits. Il permettra par contre ultérieurement de pratiquer des prix à forte marge bénéficiaire. 
Les tiers sont donc lésés : le pays perd des capacités de production, les consommateurs à terme seront victime de monopoles, limitant leur choix de produits et les obligeant à acheter à des prix plus élevés.
Le législateur a donc interdit la vente à  perte, (tout comme la formation de monopoles), pour assurer la bonne santé du tissu industriel et commercial.
A fortiori, il doit interdire une pratique qui des conséquences sur la protection de l’intégrité physique des personnes.

2     -      Définition des relations sexuelles devant rester hors commerce.
Est une relation de nature sexuelle, tout contact physique, visuel ou auditif avec le corps d’autrui dans ses aspects sexuels.
Toute relation sexuelle doit rester hors commerce. Elle implique une relation avec l’intimité de l’être de chaque personne qui ne peut faire l’objet d’un engagement juridique. Y compris dans le mariage.
Les « soins sexuels » revendiqués par certains handicapés impliquent des contacts de cette nature et constituent donc des relations sexuelles. Leur achat doit être inclus dans l’interdiction d’achat d’actes sexuels.

3     -   Il n’existe pas de besoin ( ni masculin ni féminin) ni de droit à des relations sexuelles
L’être humain a des besoins affectifs et de communication, mais nul besoin d’accéder au corps d’autrui. Le besoin affectif est au contraire antagoniste avec l’attitude prédatrice et égoïste de ceux qui s’imaginent avoir des besoins physiques à satisfaire en instrumentalisant l’autre.
Le « besoin » n’existe pas plus les hommes que les femmes.  Pour les hommes, aucune activité sexuelle volontaire n’est indispensable à leur bonne santé. Physiologiquement les médecins expliquent que le corps masculin se régule de lui-même.
Médecins et moralistes expliquent la sensation de manque vient des fantasmes (l’absence de chasteté mentale disent les moralistes) et non de la physiologie. L’envie n’est pas le besoin, l’appétit n’est pas la faim. Des moines hommes et femmes,  vivent dans la « chasteté », l’absence d’activité sexuelle volontaire, à la fois mentale et physique, sans que leur santé physique ou mentale s’en ressente.  C’est « leur choix » …

Les hommes n’ont pas à choisir entre être des hommes-masculins et être des Hommes, des hommes biens … La condition masculine a ses difficultés, car la possession de la force oblige à la maitriser, ce qui n’est pas chose facile ; mais elle n’est pas si atroce qu’elle empêcherait d’être affectivement en harmonie avec l’autre et moralement en accord avec soi. 

dimanche 3 novembre 2013

L'appel "Touche pas à ma pute" humilie les femmes

L'appel "Touche pas à ma pute" humilie les femmes

LE MONDE | 29.10.2013 à 08h11 | Par Anne Zelensky (Présidente de la Ligue du droit des
« Touche pas à ma pute », tel est l'intitulé d'une pétition qui sera publiée dansCauseur de novembre. Elle est le porte-étendard du « Manifeste des 343 salauds ». Voilà un acte militant inédit : les hommes n'avouent pas aisément fréquenter les putes. Et se préoccupent plus d'utiliser ces dames que de les défendre.

Mais ce manifeste va encore plus loin, et se réclame paradoxalement d'un autre manifeste célèbre : celui des « 343 salopes », publié en avril 1971 dans Le Nouvel Observateur, pourdéfendre la liberté d'avorter (« Je déclare avoiravorté »). Je suis, avec d'autres, à l'origine de ce manifeste. Une précision utile : nous n'avions pas choisi de nous appeler « salopes », ce qualificatif nous est venu du dehors, de Charlie Hebdo. Si on comprend bien, le terme de « salope » désignerait donc toute femme qui enfreint les règles de la bienséance féminine officielle, pute ou féministe.

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Dans le manifeste « Touche pas à ma pute », les signataires eux, ont choisi le terme de « salaud » par référence aux « salopes » de 1971. C'est là que je m'interroge. Quelle filiation peut-il bien y avoir entre nous, les « salopes » qui réclamions la liberté interdite de disposer de notre corps, et ces « salauds » qui réclament aujourd'hui la liberté de disposer contre rémunération et sans pénalité du corps de certaines femmes ? Dans le premier cas, il s'agit de lever une oppression, dans le second, de la reconduire. Et ce au nom du même concept : la liberté. Où est la faille ?
Ce qui chiffonne mon sens de la logique en effet dans cette proclamation, ce n'est pas tellement qu'elle défende une forme de prostitution qui concerne une minorité de personnes, persuadées de l'avoir choisie. Ce n'est pas tellement qu'elle véhicule une contradiction majeure : elle met de côté la souffrance et l'humiliation de la majorité des « forçates » du sexe, tout en condamnant les réseaux proxénètes, qui en sont les pourvoyeurs.
LIBERTÉ OU ASSERVISSEMENT ?
Ce qui me chiffonne, c'est cette référence à la liberté. L'occasion est donnée une fois de plus de constater les dévoiements infligés à cette idée. Ce mot connaît depuis des décennies des accommodements qui reviennent à en faire le contraire de ce qu'elle est censée être. La doxa de notre temps s'incarne dans la trilogie : « liberté d'expression », sacralisée par la loi 1881 sur la liberté de la presse, le « touche pas à » (on est passé du pote à la pute) et le « c'est mon choix ». Le tout chapeauté par le credo : « Tout se vaut » (les arts, les cultures, les dominations) ou concept d'équivalence. Tels sont les piliers qui soutiennent l'édifice construit à la gloire de « ma » liberté. Qui ne connaît pas de limite.
Et voilà comment la liberté de disposer de son corps, revendiquée dans le « Manifeste des 343 », se voit étendu à des pratiques -– liberté de se prostituer -– qui en constituent le contraire. Comment peut-on en effet revendiquer comme liberté ce qui en fait la bafoue ? La liste est longue dans l'histoire, de ceux et celles qui ont préféré leur esclavage à la liberté, tant sont fortes l'emprise du conditionnement et la fascination de la soumission. Des esclaves noirs affranchis qui ne voulaient pas quitter leur maître, à la fameuse héroïne d'Histoire d'O, qui consentait à être asservie, on n'en finirait pas d'énumérer les zélateurs de la « servitude volontaire ». Dans cette pétition « Touche pas à ma pute », par un tour de passe-passe pervers, la liberté est mise au service de la défense d'un esclavage de fait.
Dans cette affaire de prostitution, personne n'est en fait libre : ni la pute ni le client. A part quelques rares exceptions, la majorité des personnes qui se prostituent le font par contrainte économique ou psychologique. Soyons sérieux : ce n'est pas une partie de plaisir d'ouvrir ses jambes à la demande, plusieurs fois par jour. Quant au client, il est pris dans un système de relation homme-femme, fondé sur le malentendu et la peur.
Quoi de plus rassurant que le scénario prostitutionnel ? Tout y est prévu : il paye, elle exécute. Elle lui offre la satisfaction de ses fantasmes ; elle l'écoute ; elle ne le juge pas. La femme idéale en somme. Il peut régresser avec elle en toute innocence, larguer un moment tout ce qui le contraint à être un homme : les responsabilités, le sérieux, la maîtrise. Le pied, non ? Etre un homme n'est pas si facile, et on peut comprendre les délices de ce lâcher-prise. Qu'il soit inavouable est bien le signe qu'il est merveilleusement transgressif. Il faut en effet un certain goût de la provocation aux signataires du « Manifeste des salauds » pourreconnaître qu'ils vont chez les putes.
Ce manifeste s'inscrit dans la guéguerre que se livrent les sexes. C'est la réponse du berger à la bergère. La revanche de certains hommes contre la libération des femmes passe sans doute par ce pied de nez. Tu as voulu être libre ? Eh bien, moi, ça ne m'empêchera pas d'aller chez les putes. Les femmes esclaves, j'aime. Au moins elles ne me demandent rien, elles me prennent comme je suis. Là est le hic. Le féminisme a introduit dans la bergerie des sexes le dangereux loup de la lucidité. Les femmes ne veulent plus faire semblant de prendre les hommes tels qu'ils sont, et elles en ont assez d'être prises pour ce qu'elles ne sont pas. Pouce ! Il fautinventer un autre jeu.