Christine de Pisan

Christine de Pisan

jeudi 31 octobre 2013

Julie : « Une vie de sans-papiers dans mon propre pays ».

http://abolition13avril.wordpress.com/2013/10/26/julie-une-vie-de-sans-papiers-dans-mon-propre-pays/


Julie : « Une vie de sans-papiers dans mon propre pays ».
Publié le octobre 26, 2013
Julie était secrétaire. Une séparation, un surendettement, deux enfants à élever… Elle est devenue « escorte » sur Internet. Mieux que tous les discours, son histoire montre un processus d’enfermement dont il est bien difficile de s’extraireVoici le second témoignage de notre campagne « un jour, un témoignage ». Par ailleurs, pour connaître les dates du Tour de France de l’abolition, cliquez ici
Il y a 4 ans que je fais ça. Personne n’est au courant. Si, mon frère. Un soir, j’ai craqué et je l’ai appelé. J’avais l’habitude qu’il vienne quand j’allais mal. Là, je m’étais mise à prendre de l’alcool, des cachets, beaucoup de cigarettes.
Depuis 4 ans, ma vie tient à un fil. J’ai une vie clandestine, presque de sans papiers dans mon propre pays. Je fais attention à ce que je dis. Une part de ma vie ne doit pas exister. J’en suis presque à avoir peur de ce qui pourrait m’échapper en dormant. C’est éprouvant. En plus, je me dis que j’ai créé un secret de famille et que je le fais peser sur les épaules de mes enfants.
J’ai gardé mon prénom. Je ne me voyais pas m’identifier à une Vanessa ou m’appeler par un nom qui finit en « a ». Je tiens à affirmer mon identité. En plus – j’habite une ville moyenne – je me dis que ceux qui auraient un doute ne viendront pas.
L’enfermement, je l’ai senti arriver très vite ; dès la première année. Je me suis mise à fuir les rapports sociaux. Dès qu’on me demande « et ton travail ? », je prends la fuite. Aux réunions de parents, je me sens en marge. Je ne me lie pas de peur d’être « découverte ». J’ai l’impression de porter un masque en permanence. Je ne suis jamais moi-même. J’entre même dans une forme de paranoïa : je regarde les gens et je me dis, ils savent. Ou bien : s’ils savaient ! Je vis un enfermement qui a envahi tous mes rapports humains. Je suis désocialisée. J’ai désappris à travailler avec d’autres. Et puis, maintenant que je fais ça, me présenter quelque part, c’est me présenter comme qui, comme quoi ?
On est nombreuses à faire ça. Ce n’est pas un choix. C’est la situation dans laquelle je m’enfonçais qui m’a poussée. Je n’avais rien d’autre à vendre que mon corps. J’ai mes filles une semaine sur deux. Je ne pouvais même pas leur donner 5 euros pour aller manger avec une copine.
Loyers impayés, huissiers, surendettement
J’étais secrétaire et je gagnais 1300 euros nets, et mes 150 euros d’allocs. J’ai quitté mon compagnon au bout de dix ans de vie commune. J’étais dépendante, je n’avais qu’un congé parental. Il a tout gardé, la maison notamment. Il devait se dire que je serais bien obligée de revenir. Je suis partie avec un surendettement. La descente a été rapide : les loyers impayés, les huissiers. Je leur ai demandé si ça ne les embêtait pas de mettre sur la paille une mère de famille pour récupérer 300 euros sur des meubles Ikea. Surendettement, ça veut dire plus de chéquier, plus de carte bleue ; obligée de tout payer en espèces. On est marquée, désocialisée.
A l’époque, j’étais amoureuse d’un homme (une histoire immonde, il avait omis de me dire qu’il vivait avec une femme). En voyant ma situation catastrophique, il m’a dit que j’avais des qualités sensuelles et sexuelles et qu’il y avait pour moi un moyen rapide de gagner de l’argent. Je me suis dit : l’enfoiré ! Mais l’idée a travaillé dans ma tête. Il a été le déclencheur.
C’était il y a près de quatre ans. Je suis allée voir sur un site bien connu. A l’époque, c’était gratuit. J’ai tapé une annonce pour des massages. Je me suis mise en arrêt de maladie, j’ai pris un petit meublé puisque j’avais des fiches de paye. J’étais un peu perdue. Puis j’ai été rayée des cadres pour abandon de poste. J’avais envoyé un arrêt de travail qui n’aurait pas été reçu. On m’a mise devant huissier et j’ai du payer 1500 €. Je n’ai eu aucune indemnité. Quand je me suis inscrite à l’ANPE, je n’avais donc droit à rien. Par contre, l’ANPE exigeait des choses de moi : il fallait que je suive des trucs pour faire de l’aide à domicile, c’était complètement hors de ma demande, j’ai arrêté. J’ai deux enfants. Et je vis de quoi ? L’ANPE s’en fout ! Ca ne pose de problème à personne.
Je me suis retrouvée au RMI. En tant que travailleuse pauvre, j’ai été suivie par une assistante sociale. Elle me reprochait de ne pas aller la voir plus souvent. Pour moi, c’était une question de fierté. Pourtant, elle avait compris que j’avais des idées suicidaires. A l’époque, je me suis fait des scarifications et des brûlures de cigarettes, comme quand j’étais ado. Cette démarche de se saigner, c’est comme de laisser échapper ce qui fait mal.
Le premier mois, j’ai gagné le triple de mon salaire habituel. J’ai fait jusqu’à 6000 euros en « voyant » cinq à six hommes par jour. Là, on se perd ; on n’est plus un être humain. J’ai réagi. Actuellement, je suis descendue à deux par jour. Avec mon appartement, mes enfants, le studio que je loue et mon téléphone portable, il y a déjà 2000 euros qui sortent. En 4 ans, j’ai mis péniblement 7000 € de côté. Le problème, c’est qu’on peut vite devenir accro à l’argent rapide. Au début, je me suis acheté un ordinateur portable. Mais j’ai senti le danger. J’ai la notion de l’argent et je veux la garder. Je ne me paye pas de sacs Channel, il faut que je reste cohérente. En tout cas, je peux payer de vraies vacances à mes enfants. Et je me déculpabilise en me disant : je n’ai rien demandé à personne.
D’autres n’auraient pas franchi la frontière…
D’autres femmes, dans la même situation, n’auraient sans doute pas franchi cette frontière. Jusqu’où mon propre vécu, avec un inceste, des viols, a t-il rendu le passage plus « facile » – facile n’étant pas le mot -, je me pose la question.
J’ai grandi dans une famille toxique. A 8 ans, j’ai vu mon père frapper ma mère jusqu’au sang. Il était d’une jalousie pathologique ; un père sanguin, violent. Et absent. A nous aussi, il cassait la figure ; aux aînés surtout. Après le divorce de mes parents, j’ai choisi d’habiter avec ma mère. Elle était anorexique, elle volait, elle buvait, elle ramenait des hommes à la maison. Moi, je fuyais dans les bistrots. Un jour, elle a appelé la Ddass et je suis partie. J’ai arrêté le lycée. J’avais 16 ans. Je sais ce que ma mère dirait si elle apprenait ce que je fais : « Ca ne m’étonne pas, tu ne pouvais finir que comme çà. »
Dans la tête de mes parents, j’étais un garçon ; ce qu’on appelle un garçon manqué. En fait, une petite fille massacrée. Matériellement, je n’ai manqué de rien. Mais j’ai eu un traitement à part. Comme si je portais le poids d’une faute. J’étais la seule qu’on envoyait en colo en décrétant que j’aimais ça. Je me considère comme celle qui n’avait pas de place, comme la stigmatisée, comme l’enfant buvard qui recueille tous les problèmes de la famille. Je n’étais pas une fille aimée.
Mon frère a eu des gestes incestueux sur moi. J’avais entre neuf et onze/douze ans. Je l’entendais monter l’échelle de meunier de ma mezzanine. Je faisais semblant de dormir ; j’étais incapable de dire non et je m’en voulais. Plus tard, j’ai été violée plusieurs fois. La première fois à 14 ans. Après, c’était terrible pour moi, la sexualité. Forcément, je fais un lien… L’agresseur était un bon père de famille qui avait déjà violé des femmes, mais jamais encore une mineure de moins de 15 ans. On m’a dit qu’on m’appellerait pour l’identifier. Plus de nouvelles. Ma mère a étouffé l’affaire. Je n’ai jamais osé lui demander pourquoi.
On est restés dans un non dit total. Comme si ce viol n’avait jamais existé. J’avais 30 ans quand j’en ai parlé à mon père. Il n’a rien fait. Maintenant, au plan juridique, c’est trop tard. Les faits sont prescrits. Il y a quelques années, j’ai accusé ma mère de ne pas m’avoir protégée. Je suis restée deux ans sans la voir. Au bout de deux ans, c’est moi qui me suis sentie la mauvaise fille. Elle, elle attendait mes excuses. Mes parents ne se remettent jamais en cause. C’est toujours moi la coupable. Il y a quelque temps, j’ai laissé un message sur le portable de mon père ; j’étais en larmes. Il ne m’a même pas rappelée. C’était mon dernier appel au secours ; j’ai compris que c’était vain. Bref, aujourd’hui, mon père se fout pas mal de moi, ma mère ne cherche pas à savoir, je ne vois plus deux de mes sœurs. Ils se doutent, étant donné mon niveau de vie, mais tout le monde fait la politique de l’autruche.
De toute façon, je vis avec l’idée qu’il ne faut jamais faire confiance à personne. Que je ne peux compter que sur moi-même. Donc je ne demande aucune aide. Au fond, je ne m’en sens pas le droit, comme par auto punition. Si, j’ai recommencéà voir un psy.
Une fatigue perpétuelle
Pour se prostituer, il faut un état de concentration très particulier. Je prends des pétards, éventuellement des médicaments, des calmants. Faire ça, c’est être dans l’abandon d’une partie de soi ; c’est une forme de mort. Un jour un homme m’a dit : tu peux te dissocier. Pour eux, faire l’amour ça n’engage à rien ; en plus, ils se disent qu’on gagne de l’argent. Dire qu’on peut se dissocier, qu’on ne donne rien de soi, c’est bien une parole de mec ! Je vis dans une fatigue perpétuelle. Comme si elle était constitutive. Après quelques jours de break, j’ai été obligée de reprendre. C’était un lundi. Le mardi, j’étais couchée à 18h…
Je suis sans illusion sur ces hommes. Il y a des prédateurs. Ils se disent que le client est roi. Ils sont prêts à tout pour ne pas payer. Il y a ceux qui oublient leur portefeuille, ceux qui me menacent de chantage ; ceux qui passent cinq textos de suite (j’ai envie de leur en coller une). Certains pensent même qu’on a du plaisir ! C’est pathétique. Ils sont mariés, en grande majorité. Ils nous racontent leur vie, disent qu’ils aiment leur femme et montrent les photos des enfants. Ils m’expliquent que je ne suis pas une prostituée mais une maîtresse. Ca les déculpabilise. Quand il y a eu le débat dans les médias sur la proposition de pénalisation des clients, il y en a qui m’ont dit : « Tu te rends compte, mais c’est quand même un droit ! » Ils m ‘expliquent aussi que c’est la nature qui les pousse – ils ont des pulsions – ou qu’il faut rouvrir les maisons closes. Je suis bien obligée de me taire ou de dire comme eux. En réalité, je suis pour qu’on les pénalise ! C’est à cause d’eux que la prostitution existe !
Internet est un système pervers. Des hommes me disent qu’ils ne seraient jamais devenus « clients » s’il n’y avait pas eu Internet. Idem pour moi. Sans Internet, je n’en serais pas là. En plus, moi qui n’ai mis mon annonce que sur un seul site, je la retrouve qui se balade sur le Net. On perd complètement le contrôle. Mon téléphone et mon adresse se promènent dans la nature. On se retrouve sur des sites avec des forums immondes. Les clients échangent leurs commentaires – gratinés – sur les femmes. Ce sont vraiment des tarés. C’est d’ailleurs à ce système que j’attribue la visite d’un type qui m’a agressée : il est parvenu à rentrer chez moi. Habillé de noir, avec un masque sur le visage. J’ai eu le réflexe d’appeler un homme dans mon appartement (en réalité, il n’y avait personne) et il a pris peur. Il m’a quand même donné un coup dans la poitrine et m’a lancé un coup de bombe lacrymogène.
Une forme d’autodestruction
Je voudrais arrêter au plus vite. Retrouver un mi-temps. Mais je ne peux pas tout changer du jour au lendemain. Il faut une progression et accepter de gagner moins. Je ne mets plus d’annonces depuis un an. J’ai réduit au maximum et je ne vois plus que des habitués. J’attends la fin de mon surendettement. Je viens de faire un stage de massage (un vrai). Pendant ce stage, au delà de l’appréhension, normale, de me trouver face à des gens inconnus, j’ai vécu le sentiment terrible d’être en marge, avec la peur qu’on me demande ce que je fais. En plus, le formateur a parlé de « l’escorting » en insistant sur la distinction. Je me sentais mal, comme si j’étais en faute. Maintenant, pour me lancer, il faudrait que je trouve un local. Mais comment en louer un sans feuille de paye ? Je suis fatiguée de devoir tout faire toute seule, et de tout le temps me cacher.
En fait, je suis coupable de tout, tout le temps. Coupable de ne pas donner de nouvelles à ma mère (qui, elle, ne m’en donne jamais), coupable d’avoir été violée, coupable d’avoir fait confiance, récemment, à un homme avec qui j’ai vécu trois mois de bonheur ; en fait un prédateur qui a utilisé mes faiblesses. Il allait me sortir de là, il me parlait d’avenir. Et puis il m’a liquidée. Par texto. Cette rupture a été aussi violente qu’une mort subite. Je suis restée en état de choc.
Quand je suis allée le voir pour qu’on s’explique, il est devenu agressif, brutal. Si je porte plainte, je sais qu’il a un moyen de chantage contre moi. Comme un autre ancien compagnon qui avait usé du même procédé : on va dire à tes enfants que leur mère est une pute. Cette blessure, elle est au delà de tout ce qu’on peut imaginer. Avant, j’ai eu aussi une histoire dont je suis sortie en me sentant sale, coupable.
Maintenant je comprends que j’étais une proie facile ; cet homme-là m’a manipulée depuis le début, il a parfaitement compris où étaient mes failles. J’ai une faille affective, c’est un gouffre. Et ma pratique l’a accentuée. J’ai d’un côté développé une force, de solitude, de survivance, mais ma carence affective s’est aggravée. J’ai perdu encore plus de clairvoyance au niveau des hommes.
Il y a une forme d’autodestruction là-dedans. La fascination de voir jusqu’où on est capable d’aller. Le besoin d’aller où c’est dangereux, risqué. Je me sens prise dans un piège. C’est un cercle infernal : c’est le produit de ce que je fais qui va m’aider à m’évader de ce que je fais. Sans la prostitution, je n’ai aucun moyen d’en sortir.

Témoignage initialement publié en mai 2012 sur le site de Prostitution & Société

Abolition ! Il est libre Max …

http://elisseievna-blog.blogspot.fr/2013/10/il-est-libre-max.html

Il est libre Max …

Une proposition de loi prévoit de réprimer l’achat de prostitution. Je l’approuve. J’estime que les peines prévues sont bien légères, surtout lorsque cet achat représente un chantage à l’emploi.

Des hommes s’offusquent que l’on attente à leur « droit d’aller aux putes » : l’expression dit tout : les femmes sont des chiottes. D’autres disaient pour défendre au XIXeme siècle en France, la règlementation « sanitaire » de la prostitution qu’elle constituait un « égout séminal ». 

Plusieurs intellectuels ont concocté une pétition pour s’y opposer. Leur argumentaire réclame la « liberté », et proclame qu’il existe des femmes qui « aiment ça ». Ils déclarent qu’ils ne céderont pas aux « ligues de vertu », se demandent si la pornographie ne sera pas interdite demain. Ils prétendent vivre en « adulte »

Je m’honorerais de pouvoir prétendre appartenir à une ligue de vertu.  Je considère que l’interdiction de l’achat d’acte sexuel signifie évidemment l’interdiction de la production de pornographie avec acteurs.

Les connotations « adultes » contre vierges effarouchées des « ligues de vertu » donnent à ce texte un style « beauf ».

Le plus énorme est le mot « liberté ».
Liberté de quoi Max ?
Liberté d’être mené par le bout de ses boyaux.
Liberté d’être mené par ses hormones, envies et appétits.
Liberté d’être mené par le plaisir animal de faire plier et de soumettre.
Liberté d’imposer son corps à l’autre.
Liberté de jouir du fait de pouvoir lui imposer ce corps qu’il ne désire pas.
Liberté de forcer le consentement.
Liberté de jouir d’avoir obtenu que l’autre joue la comédie du consentement.
Liberté de pouvoir sentir sa réticence, son absence de son propre corps, sa souffrance, et d’en jouir.
Liberté de l’avilir.
Liberté d’user du pouvoir de l’argent.
Liberté de s’aveugler : non les femmes n’aiment pas « ça » mais juste l’argent qu’elles reçoivent.
Liberté de mentir car c’est bien parce qu’elles n’aiment pas « ça » que l’on s’excite à leur imposer.
Liberté d’être orgueilleux de pouvoir se les payer.
Liberté de ricaner des plus  faibles qui se débattent et de parler plus fort qu’eux.
Liberté de distordre les mots pour inverser l’apparence des culpabilités.
Liberté de s’avilir.
Liberté de céder aux tentations les plus viles … ?

On n’est libre de rien quand on n’est même pas libre d’avoir ce minimum d’amour pour les autres, qui est de ne pas leur faire violence sciemment.

elissievna

Compassion pour les consommateurs de prostitution ?!

Un lecteur m'adresse une pétition à paraitre contre le projet de loi abolitionniste réprimant l'achat de prostitution, je lui réponds que je suis abolitionniste et pour la loi suedoise ...

Il m'adresse les propos suivants : 
" Les Suédois me donnent froid dans le dos...je vous les laisse !Vous aussi, comme les communistes (sur un tout autre plan), vous croyez pouvoir changer la nature de l'homme 
(et la femme) ?
C'est une démarche inhumaine qui mène à la violence.
Je ne parle pas de toutes celles qui y sont contraintes, bien sûr.
Mais il y en a beaucoup que ça ne dérange pas du tout, et surtout, qui aiment l'argent.
Et tous ces hommes malheureux, à la sexualité misérable, pour trente-six raisons que nous n'avons pas à juger, qui y trouve un petit bonheur momentané et le calme de leurs pulsions ? Un peu de compassion peut-être ?"


Je publie ici ma réponse, non revue et corrigée ni ordonnée ni tempérée, car elle traduit la violence de cette pétition et de sa défense, et la répulsion qu'elle provoque en moi, tout en expliquant bien sur les raisons, précises, réelles, incontestables qui expliquent mon dégout moral et ma réprobation.  La justification de la violence, il faut bien le comprendre, est en elle-même une agression pour qui l'entend. 

voici la page où j'ai affiché des vidéos sur ce sujet. 


on me demande "de la compassion pour les malheureux clients des prostituées" :  compassion pour des violeurs ? pour des mecs qui profitent du pouvoir de leur fric pour se taper le plaisir d'imposer leurs boyaux, leur sueur et leur haleine au corps de femmes piégées dans cette situation, de femmes qui se droguent ou boivent ou se laissent tomber malades, pour supporter cette torture chinoise permanente, pas de compassion pour des salauds, non.

la seule voix de compassion consiste à leur dire d'arrêter d'être des salauds, de retrouver leur dignité, d'oser le cran de faire leur examen de conscience

"il y a des femmes que ça ne dérange pas"
" on ne peut pas changer la nature de l'homme et de la femme"
"ces hommes à la sexualité misérable"
" on ne doit pas juger"
" ils trouvent un bonheur momentané", " un soulagement à leurs pulsions"

j'ai rarement lu une vision aussi gerbante de la conduite  humaine en si peu de mot, tout est dégoutant, tout est inversé dans cette vision là

si, toutes les femmes prostituées en souffrent, il suffit d'écouter celles qui en sortent réellement, il suffit de s'imaginer à leur place et que ceux qui ont un doute aillent sur le trottoir en s'imposant de ne rien bouffer pendant un mois d'autre que ce qu'ils auront gagner avec leur cul et leur bouche

"sexualité misérable"
ils y  ont bien droit ces mecs à avoir une sexualité où on a de la nana, où on s 'éclate, ils le valent bien, on va pas quand même leur donner moins que ça, puisqu'on vous dit qu'il y  a des salopes qui aiment ça : moralité de l'adoration de la loi du plus fort, moralité du droit d'être supérieur, prétention et orgueil écoeurant : non mais "j'ai bien le droit, avec la valeur que j'ai, à ce que la vie, à ce que les plus faibles, me donne ce que je mérite, m'honore à ma juste valeur ! espèce de salope qui veut m'opprimer en me privant de mon du minimum"
cette expression synthétise en deux mots l'inversion totale des valeurs que le prostitueur commet
ce qui est misérable car bas, car violent, c'est l'orgeuil démesuré de s'emparer du corps de l'autre par la force de la pression du fric par pur orgueil de "l'avoir", t'as pas de l'autre suffisamment pour te sentir "non misérable", pour sentir ton pouvoir sur la nanas, alors tu te sers .. ce qui est "misérable" c'est  de décider de faire souffrir l'autre, de ne pas voir sa souffrance,
la "misère" considérée selon cette expression, c'est de ne pas avoir assez de consommation de femmes, d'avoir pas su les emballer, les "séduire", les obliger autrement, n'avoir pas assez de domination sur la réalité pour avoir réussi à s'approprier leur corps, leur disposition,  t'as pas réussi le top du pouvoir, arriver à les manoeuvre sans en avoir l'air, mec alors t'es nul, pauvre vieux, mais t'as du fric, tu peux les manoeuvrer en avouant que tu le fais avec du fric, ben fais deja ça,  alors sers toi, "tu le vaux bien"
il n'y a aucune misère autre que la "msière" d'etre ignoble là dedans
il y a par contre dans cette expression le chantage, la pression sur les femmes : espece de salope si tu t'opposes à ce que nous voulons, je dirais que t'es une salope, une violente qui "fait froid dans le dos", un monstre sans "compassion" et pas une femme, c'est toi que je ferais passer pour une ordure

la sexualité n'est jamais misérable que lorsqu'elle empêche d'avoir un comportement aimant envers autrui, là est la seule "misère" qui peut lui être liée, misère de l'égoisme, de l'enfermement en soi,

"assouvir ses pulsions" : il faut vraiment prendre les femmes pour des demeurées pour oser parler comme d'un bien d'un tel acte,  "assouvir ses pulsions" sur l'autre, chier sur l'autre, bouffer l'autre, " je le vaux bien", inversion totale, les pulsions dans le domaine sexuelle se maitrisent facilement, nul besoin d'utiliser autrui, il n'y a aucun besoin d'utiliser l'autre, et meme pour les pires infirmes qui voudraient se défouler, tous les matériaux existent : prétendre qu'il existe des "besoins" c'est se "foutre" du monde, prendre les femmes pour des connes, nier une fois de plus qu'elles ont aussi elles des désirs et des pulsions, la seule "misère" est d'être infoutu, de ne même pas songer à maitriser ses pulsions, cela oui, c'est de la misère morale

"bonheur momentané" : saloperie de jouir d'avoir pu se payer l'autre, dominer l'autre, le contraindre à ce qui lui répugne, puisque soit on plait soit on s'impose à celle ou celui à qui on ne plait pas, inversion totale d'appeler " bonheur", cette jouissance répugnante là, bonheur de voir souffrir en obligeant l'autre à souffrir et à taire sa souffrance, je m'impose donc j'existe, et je me fous de la gueule du monde en m'affichant moi "malheureux" de n'en avoir pas assez jusqu'à la prochaine fois, plaignez moi pauvre malheureux, réservez votre compassion pour moi et non cette salope qui m'a pris mon fric,

tout ce propos n'est qu'avilissement  de l'autre, manipulation, légitimation de l'abus de pouvoir, du fait de faire souffrir, vision dégradante de l'humain, négation de la souffrance de l'autre, calomnie des autres, réduction des autres au silence, pourriture morale

inversion totale des valeurs, saloperie totale  du comportement et de la prétendue justification

on nous reproche de vouloir changer la nature humaine ? parce que cette prétention à assouvir des pulsions au détriment de l'autre serait la nature de l'être humain ? non, c'est une vision culturelle, idéologique de l'etre humain, c'est une vision fashoïde, animalisante de l'être humain, une vision plus que basse.

l'expression "ligue de vertu"  employé récemment pour faire l'apologie de l'achat, résume aussi à elle seule, l'inversion et la violence des partisans du pouvoir du fric :  c'est le rire de celui qui a le pouvoir, qui se moque de ceux qui n'ont que la vertu pour se défendre, tourne en dérision ces "ligues" sans coup de poing, sans force de l'argent, cette idée ridicule de la vertu si faible par rapport aux pouvoir : la vertu est faiblesse, le pouvoir est donc la vraie valeur,  inversion des valeurs, menace : tu es faible, tu ne peux même pas empêcher mon rire, je t'écraserai et cela m'amuse, et je te montre que cela m'amuse pour t'impressionner et intimider qui songerait à te soutenir ... cette expression signifie toute cette pourriture "morale"


Il n'y a aucune justification à l'utilisation de son argent pour obtenir des relations sexuelles, strictement aucune, cette utilisation n'est qu'abjection à tous points de vue.

Fondation Scelles : communiqué


L’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres

Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits.

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789

La liberté sexuelle serait en danger en France et 343 signataires d'un manifeste s'engagent pour la
défendre. Par le titre donné à ce manifeste ils entendent se placer symboliquement dans la lignée
de celles qui ont défendu le droit à l'avortement, le droit des femmes à dire non à une grossesse
non désirée Ils se trompent de combat car la vraie liberté c'est en effet la liberté de pouvoir dire
non:


C'est la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes et à dire non par voix de référendum à ceux
qui les dirigent.
C'est la liberté des travailleurs de refuser des conditions de travail indignes qu'on veut leur
imposer sous la menace de la délocalisation.
C'est la liberté des personnes à circuler librement et à disposer d'elles-mêmes.
C'est la liberté de dire non à un potentiel partenaire sexuel qu'on ne désire pas.
C'est la liberté de refuser des pratiques sexuelles qui rebutent.


C'est de toutes ces libertés que sont privées l'immense majorité des personnes prostituées, dans le
monde et sur le territoire français.


Le vrai courage serait comme Simone de Beauvoir en son temps, de dénoncer les faits occultés par
la fiction et les fantasmes et d’appréhender les réalités multiples, le plus souvent sordides et
violentes de la prostitution aujourd'hui. Nous sommes en 2013 et bien loin d'Hôtel du Nord et de
Pretty woman.


Le vrai courage serait de s'engager pour que les millions d'enfants prostitués dans le monde ne
soient pas loués comme des bêtes de sexe pour la seule liberté sexuelle des adultes qui en abusent
Le vrai courage serait de lutter pour la liberté de circulation des jeunes femmes et jeunes hommes
enfermés, surveillés, privés de papiers, déplacés de force au gré de l'offre et de la demande par les
réseaux proxénètes.
Le vrai courage serait d'agir pour que les personnes prostituées puissent refuser les rapports
sexuels dégradants de leur point de vue et les rapports non protégés.
Le vrai courage serait de militer pour que de réelles alternatives soient proposées aux personnes
prostituées qui veulent en sortir.
Le vrai courage serait de permettre à toutes les personnes prostituées d'exercer leur libre arbitre et
de choisir librement ce qu'elles veulent faire et de leur vie et de leur corps.


Nous disons donc à tous les signataires du manifeste : vous vous dites respectueux des personnes
prostituées auxquelles certains d'entre vous auraient eu recours, vous ignorez la violence de
l'univers impitoyable du profit roi dans l'industrie du sexe?
Informez vous, interrogez les services de police spécialisés, interrogez les ONG qui sont sur le
terrain, lisez le rapport mondial sur l'exploitation sexuelle que nous publions annuellement, lisez
les actes du colloque que nous avons organisé sur l'argent criminel de l'exploitation sexuelle, lisez
les rapports de l'UNEDOC, de l’UNICEF, du GRETA, du département d'état américain sur la
traite.


Venez ensuite débattre avec nous, en pleine connaissance de cause, des moyens de garantir la
liberté sexuelle de chacun et chacune dans une société démocratique qui ne peut tolérer que le
corps humain soit une marchandise comme une autre.


Dominique CHARPENEL
Psychanalyste chargée de l'accueil des victimes, chargée de communication de la Fondation Scelles




Sylviane Agacinsky : Prostitution : oui, nous devons sanctionner les consommateurs !

Prostitution: oui, nous devons sanctionner les consommateurs !
Publié le 06-09-2012 à 12h22 - 

Par Sylviane Agacinski
Philosophe

PROSTITUTION. Loin d’éclairer la question de la prostitution, la tribune publiée dans "le Nouvel Observateur" l’obscurcit. Le problème est qu'elle ne fait pas de distinction entre la relation vénale occasionnelle entre deux personnes et la prostitution exercée "à plein temps". Du coup, elle situe la prostitution dans "un domaine éminemment privé" (sic), alors que la prostitution de masse, ou en série, met le corps des femmes sur le marché, c’est-à-dire sur la place publique.

.../... suite sur le Nouvel Obs Plus

Rachel Morgan : ex-prostituée

lundi 28 octobre 2013

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si tu viens au festival de films lesbiens et féministe de Pais, on pourra en discuter de façon très informelle

 !! Interessée ???

Écris au plus vite à la Coordination Lesbienne en France : clf.info@yahoo.fr 

On pourra en discuter de façon très informelle, par exemple à l'occasion du  festival de films lesbiens et féministe de Paris si tu y viens.
Rappel : Le Festival, c'est du mercredi 30 octobre 17H-minuit au dimanche 3 novembre 2013 (11H30-minuit) - Espace EFCB 23/25 rue Emile Zola - Montreuil 93100 - Métro Robespierre
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CLF Coordination lesbienne en France
Rencontrer la CLF  : chaque mercredi 
de 11H à 13H  à la Maison des Femmes de Paris. 163 Rue de Charenton  75012 Paris. M° Reuilly Diderot. (réservé aux lesbiennes et aux femmes)Contacter la CLF : Tél :  06 12 96 85 27
Mèl : clf.info@yahoo.fr
Site : http://www.coordinationlesbienne.org/

Contact C.L.F. Coordination Lesbienne en France : clf.info@yahoo.fr 

Colloque ECVF le 16 novembre 2013


 
Merci de vous inscrire: contact@ecvf.fr, ou tel: 01 44 24 54 80.
 

L'association ECVF (Elu/es contre les violences faites aux femmes), organise le 16 novembre à l'auditorium de la ville de Parisun colloque à l'occasion de ses 10 ans.
ECVF est une association qui réunit à la fois des élu-es (dont 30% d'hommes) de tous niveaux de mandat, de toute région y compris les DOM, de tous partis politiques républicains et démocrates, et des collectivités territoriales.
La question des violences faites aux femmes dans l'espace privé comme dans l'espace public est aujourd'hui très préoccupante: la donnée statistique des meurtres et agressions  justifie cette inquiétude. Les enfants ne sont pas épargnés; sans que l'on sache aujourd'hui les chiffres des meurtres et agressions corollaires.
Le regard des élu-e-s sur ces sujets n'est pas tout à fait le même que celui des associations dédiées, car nous ne prenons pas en charge les victimes, mais nous aidons les associations qui le font, et à ce titre, nous devons travailler ensemble. En outre, nous avons le devoir de penser notre action d'avantage en termes de prévention.
Nous, élu/es concerné/es, membres d'ECVF, qui nous sommes donné pour mission depuis 10 ans de former les élu/es et agent/es des collectivités territoriales sur ces sujets, estimons donc aujourd'hui que cette question doit à présent être prise en compte politiquement et  incluse transversalement ( sécurité de l'espace public, transports, logement, éducation des enfants, information du public)  dans les programmes d'action municipale pour 2014, mais aussi à l'horizon 2015, dans les programmes régionaux, départementaux et européens. C'est le sens et l'objectif de notre colloque.

Ce colloque est ouvert à tous et toutes, élu-e-s et non élu-e-s, car nous avons besoin sur ce sujet d'avoir le regard de tou-te-s les citoyen-ne-s.
Geneviève COURAUD
06 61 34 75 73

PROSTITUTION = VIOLENCE ! Marion : "J’ai le sentiment qu’on me demande d’y retourner"

PROSTITUTION = VIOLENCE !
25 octobre – 25 novembre 2013 :
30 jours d'actions contre les violences sexuelles et sexistes !
30 jours d'actions pour abolir le système prostitueur !


Marion : "J’ai le sentiment qu’on me demande d’y retourner"

Marion ne prononce jamais le mot de "prostitution", jamais le nom du lieu où elle a été prostituée, un bois en bord de route. Elle décrit les enfermements successifs : l’isolement, le silence, les violences. L’obligation de se battre, jusqu’à l’épuisement. Pendant, et pire encore, après. Parce que tout - et tous - se liguent pour entraver son espoir d’envisager un projet professionnel et une autre vie.

J’ai quitté il y a sept ans, parce que j’ai rencontré quelqu’un. Seule, je pense que je n’aurais jamais eu l’énergie. Mais il fallait d’abord que je retrouve la confiance envers les hommes. Là-bas, je voyais 80 à 90 % d’hommes mariés. Quand je l’ai rencontré, je me suis demandé s’il était intéressé par moi ou par l’argent que je gagnais. J’ai mis des années à reconstruire une vie avec lui. Lui aussi a mis du temps. Il se demandait si je voulais vraiment en sortir ou pas.
Quand je l’ai rencontré, j’étais dans ma voiture ; il a pensé que j’étais en panne. J’étais sur la réserve. Je n’avais aucune envie de parler. Nous avons quand même discuté ; discuté seulement, jamais il n’y a rien eu d’autre.

Quand on est là-dedans, c’est très difficile de rencontrer des gens. On s’isole. J’évitais d’aller dans ma famille, je faisais mes courses dans des lieux où je savais que ne rencontrerais personne. Je faisais tout pour ne pas rencontrer les collègues de mon ancien travail ; tout pour ne pas entendre la question qu’est-ce que tu deviens ?.
Moi qui aime tant les contacts avec les autres, je faisais tout pour les éviter. Ce n’était pas moi. Il y avait deux moi : moi dans la vie réelle et moi là-bas. On se douche pendant des heures pour pouvoir redevenir celle qu’on est. J’avais une copine, la seule que j’avais conservée et à qui je pouvais parler ; elle avait eu une enfance difficile, elle avait connu les foyers. Il n’y a pas beaucoup de gens qui peuvent comprendre.

Mes filles et ma famille savaient mais on n’en parlait jamais. Le silence arrangeait tout le monde. Mes filles ont été mises au courant à l’adolescence, par leur père. C’était à cause de lui que j’en étais arrivée là.
Elle en ont souffert. Dans les dossiers scolaires, à "profession de la mère", l’une écrivait au chômage, l’autre secrétaire. Ma fille aînée a pris ses distances quand elle a su. Heureusement, l’amour a été plus fort.
A 14 ans, il y a eu un événement qui a tout bouleversé dans ma vie. J’ai été violée. En descendant du car scolaire, un monsieur nous a reconnues, ma sœur et moi, et il a proposé de nous raccompagner jusqu’à la maison. Je ne voulais pas monter. Mais ma sœur y est allée. Je l’ai suivie. J’ai été violée sous ses yeux.

Quand on est rentrées, mon père a senti que quelque chose s’était passé. Mais rien n’a été dit. Tout le monde est resté dans le silence pendant des années. Dès que je croisais mon père, nos yeux se baissaient. Je ne pouvais plus supporter ce regard. Je voulais quitter la maison. Quant à ma mère, elle était très croyante. Elle ne voulait pas que je parte sans être mariée. A 18 ans, j’ai rencontré quelqu’un et je l’ai épousé. J’en veux terriblement à la religion. Très vite, j’ai voulu divorcer parce que cet homme était malsain. Il m’a fait des demandes sexuelles que je n’ai pas supportées en me disant que nous étions un couple libre. Mais ma mère a dit : « Pas de divorce dans la famille ! » Je me suis tue. Nous avons eu un premier enfant. Puis un deuxième ; il savait que j’étais coincée. Professionnellement, nous avons eu une société ensemble pendant quatre ans. Et puis nous avons eu besoin d’argent. C’est lui qui m’a amenée sur les lieux où je suis restée pendant des années.

Quand j’ai fini par demander le divorce, il m’a été accordé d’office. Mais je n’ai pas porté plainte contre lui. Pour protéger mes filles. Elles n’auraient pas été là, je l’aurais fait. Je me suis oubliée longtemps…
Le divorce a été pour moi un immense soulagement. Mais mon ex mari a continué à me harceler, à tourner dans mon quartier. Les gendarmes m’ont conseillé de quitter la région. J’ai donc changé de département. Je suis arrivée ici, je n’avais rien. Seule, sans boulot, sans revenus. Alors, je suis retournée au même endroit et j’ai continué comme avant. La routine.

Là-dedans, on perd pied. On n’a plus d’identité. Plus de repères. Plus de vie sociale. On est en dehors. Même aller voir un médecin est difficile ; dire ce qu’on fait. A cause de la saleté, on attrape des mycoses, il faut très souvent des antibiotiques forts. Alors, on s’arrange entre copines, on se passe des médicaments. Il y a aussi les odeurs, la transpiration, l’urine. Et les obèses. C’est bestial. Il y a des jours où on a très mal au ventre. Un jour, un gynéco m’a dit que mon utérus était ressoudé, ce qui est rarissime. Il s’était complètement rétracté tellement je refusais de tout mon corps. Aujourd’hui, j’ai toujours des douleurs dans le dos. Quand on est là-dedans, on n’a pas seulement besoin de préservatifs. Ca, c’est trop facile !
Pour certains clients, même si ce n’est pas la majorité, c’est : Je paye, j’ai droit à tout. On essaye de mettre des limites. Il y a aussi la peur. Deux fois, j’ai cru que j’allais mourir. Quand un homme m’a serré le cou avec ses mains. Et quand un autre m’a amené son neveu qui avait des problèmes psychiques. Il m’a dit qu’il avait des pulsions et qu’il risquait de violer une gamine. Je ne pouvais pas refuser. Mais j’ai ressenti un véritable danger pour ma vie.

Je n’aurais pas voulu être sur Internet ; aller seule à un rendez-vous. Moi, je n’étais pas isolée. On avait toutes nos numéros de téléphone, on se signalait les hommes dangereux, on partait ensemble quand la nuit tombait. On faisait des détours pour rentrer chez nous, pour ne pas risquer d’être rackettéees. J’ai gardé le réflexe de tout fermer à clé, la maison, la voiture. D’avoir l’œil sur le rétroviseur, toujours.
Les clients, il y en a de toutes sortes. Certains sont gentils, d’autres méchants ; plus souvent méchants. Certains veulent inverser les rôles et être soumis. D’autres viennent oublier leur stress parce qu’ils ont de gros contrats à signer. Une minorité vient pour parler. De plus en plus d’hommes demandent des passes sans préservatif. J’ai toujours refusé. C’est une barrière ; comme une paire de gants.
Là-bas, il y a des violences entre communautés : les Africaines, les filles de l’Est. Il faut arriver la première pour être tranquille. Si on arrive plus tard, c’est la guerre. Les proxénètes viennent sur place agresser les femmes pour les chasser et placer les leurs à la place. Moi, j’étais cachée ; pas en bordure de route.
Dans le milieu, il faut aussi se battre contre l’alcool, contre la drogue. Certaines me disaient qu’elle buvaient pour supporter. Moi, j’ai tenu bon. Mais autour de moi, j’en ai vu devenir des épaves.
Pour tenir, on compense par les dépenses. L’argent est vite gagné et le lendemain il est dépensé. C’est dur. La fatigue, la solitude.
Nous, les Françaises, les gendarmes nous aimaient bien. En 2005, j’ai eu un PV pour racolage. Ils m’ont dit de payer, pour ne pas risquer d’aller en correctionnelle. L’Etat a besoin de faire rentrer l’argent dans les caisses. Je me souviens que j’ai dit aux gendarmes qu’on devrait porter plainte contre l’Etat…

Ce PV a eu des conséquences que je n’aurais pas pu imaginer. J’ai un projet depuis de nombreuses années : devenir assistante familiale. Quand j’ai fait ma demande d’agrément, je n’étais pas au courant que j’avais été condamnée par défaut. Je ne m’étais pas présentée au tribunal, mais j’avais payé, pour moi tout était réglé. J’ai appris plus tard par mon avocate qu’un huissier avait été mandaté pour me retrouver. C’est curieux, je travaillais, j’avais un numéro de sécu et pourtant je n’en ai jamais entendu parler. Et sur mon dossier, j’ai vu la mention « sans domicile » alors que j’ai toujours eu une adresse.
Je sais maintenant que le jour de ma condamnation, nous étions cinq femmes. Il suffit que l’une n’ait pas réglé le PV pour que nous ayons toutes été mises dans le même panier. Si je n’avais pas eu cette condamnation, aujourd’hui je serais agréée et j’aurais un travail. Pendant plusieurs mois, j’ai franchi toutes les étapes avec l’éducateur, l’assistante sociale, la puéricultrice. Les trois ont émis un avis favorable. Quand j’ai reçu le recommandé avec le résultat, j’ai vu avis négatif. Un vrai boomerang ; le monde s’est écroulé. J’avais réussi toute seule à concrétiser mon projet, et tout s’effondrait.

Actuellement, je fais des petits boulots. Je m’occupe de personnes âgées, que d’ailleurs personne ne sait où mettre non plus… C’est débrouillez vous ! J’ai de moins en moins d’heures, je ne vais pas tarder à me retrouver au chômage.
J’irai jusqu’au bout. Je me battrai. Je veux être reconnue dans mes droits. Effacer de mon casier judiciaire cette écriture qui est une erreur du tribunal [1] ! Quand j’ai voulu récupérer ma condamnation pour pouvoir me défendre, la greffière m’a tendu mon dossier d’un geste brusque en me disant : C’est normal qu’on ne vous le donne pas, votre agrément ! Avec ce que vous avez fait ! Un vrai coup de couteau. De quel droit pouvait-elle porter ce jugement ?
Je compte sur mon avocate. Mais maintenant que le Conseil Général est au courant, j’ai peur que tout soit remis en question même si ma condamnation est annulée.

Je tourne en rond, je ne m’en sors pas. En fait, j’ai le sentiment qu’on me demande d’y retourner. A la limite, il aurait mieux valu que je passe par la prison pour revenir sur le marché du travail. Après la prison, au moins, on parle de réinsertion. Nous, on n’a rien fait ; on n’a commis aucun crime. Mais personne ne nous donne la moindre chance.
Il faudrait des passerelles. Aider celles qui veulent en sortir ! On ne nous donne rien, on ne nous soutient pas, on nous laisse dans le vide.
Pour franchir les portes, il faut tout le temps se battre. Quand j’en suis sortie, je suis allée à l’Agence pour l’emploi. J’étais incapable de leur dire. J’avais donc tout écrit sur un papier. Quand l’employé m’a demandé des explications sur le trou dans mon CV, j’ai posé le papier sur la table. Il l’a lu et il m’a dit : Je comprends. Le bureau fermait et il est quand même resté avec moi.
Quitter, c’est difficile. Ne pas y retourner, c’est difficile. Pendant deux ans, j’ai été tentée. Quand on a un salaire de misère… même si l’argent n’a pas la même valeur. A un moment, quelqu’un restait avec moi pour que je n’y retourne pas. J’ai eu aussi le soutien du Mouvement du Nid ; c’était un réconfort même si les moyens matériels manquent. Il faut être ancrée, ne pas être seule. Il faut faire un deuil.
Il faut beaucoup de temps pour que ce soit terminé. Il y a sept ans que je suis sortie, et c’est seulement maintenant que je me sens être une femme comme les autres, que je peux avoir sur moi-même un autre regard.

N’empêche, je vis encore avec des murs de protection. Tout le temps. Je fais tout pour éviter de tomber nez à nez avec un ancien client.
Y retourner, maintenant, ce serait impossible : redevenir une femme objet, une « femme facile ». En réalité, je suis une personne très pudique. Mais l’image nous colle à la peau, les stéréotypes. Les gens ne cherchent pas à comprendre. Pour moi, confier tout ça, c’est un peu une thérapie. Mais c’est toujours douloureux. Il faut du temps, beaucoup de temps pour pouvoir en parler.

Ce témoignage a été recueilli par Claudine Legardinier en mars 2013 pour le Mouvement du Nid. Il est publié dans notre revue trimestrielle, Prostitution et Société,
Numéro 177 / avril - juin 2012
Le B.A. BA de l’abolitionnisme .
[1] Le 28 décembre 2012, Marion a obtenu du tribunal sa relaxe et donc l’effacement de cette mention de son casier judiciaire.