Christine de Pisan

Christine de Pisan

mercredi 13 novembre 2013

Contribution du CERF à la commission spéciale sur la prostitution


Contribution écrite du CERF à la commission spéciale sur la prostitution

Nous souhaitons attirer l’attention de la commission sur :
-          un élément à prendre en considération dans la décision de limiter indirectement la « liberté » des prostituées (1) 
-          la nécessité de définir les relations sexuelles pour contrer la demande de « soins » sexuels aux infirmes (2)
-          et répondre à une question  du Président sur la notion de besoin (3).  [ voir ici :  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4823#     Audition de personnes sorties de la prostitution  ]
Nous vous indiquons également nos demandes sur deux  autres points de votre proposition ( 4 et 5). A leur sujet, nous approuvons les arguments déjà exposés par d’autres devant votre commission. 



1-     1-  L’achat d’acte sexuel, même éventuellement librement consenti,  doit être interdit au nom de la liberté des tiers. Il met en cause la liberté effective de chaque femme de ne pas se prostituer.

2-      2 - Définition des relations sexuelles devant rester hors commerce.

3-     3-  Il n’existe pas de besoin (ni masculin ni féminin) ni de droit à des relations sexuelles

4-     4  L’incrimination doit être délictuelle car  la prostitution est une atteinte à l’intégrité physique de personnes

5-     5  Mesures d’accompagnement : nous demandons l’abrogation de toute incrimination visant les prostituées, et l’abrogation de toute fiscalisation ou obligation au paiement de charges sociales portant sur les recettes de la prostitution : l’Etat et les caisses sociales doivent cesser d’être proxénètes.


1     -   L’achat d’acte sexuel, même éventuellement librement consenti,  doit être interdit au nom de la liberté des tiers.  Il met en cause la liberté effective de chaque femme de ne pas se prostituer.

Le législateur s’interroge sur le point de savoir s’il doit évaluer la proportion de femmes en situation de prostitution par choix, avant de décider de mesure restreignant leur clientèle. Notre réponse est non. Il faut refuser les objections à la pénalisation de l’achat de prostitution au nom de la liberté de prostituées qui seraient consentantes. Car même si  99% des femmes offrant un acte sexuel contre rémunération avaient pleinement consenti à cet acte, l’achat devrait en être interdit en raison de sa nocivité pour les tiers.
La liberté consiste à faire ce qui ne nuit pas à autrui, la liberté n’a de borne que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance des mêmes droits.
Tout comme la liberté du commerce valablement consenti entre des parties est limitée en raison de l’intérêt des tiers, l’achat de prostitution est une atteinte nécessaire à la liberté du client et de la prostituée même dans l’hypothèse où celle-ci serait pleinement consentante, en raison de l’intérêt des tiers.
Or lorsqu’un homme (ou éventuellement une femme) achète à une femme ou un jeune homme un acte sexuel,  la liberté d’autres femmes ou jeunes filles de refuser  de se prostituer est réduite et remise en cause.  Car son acte entraine une série d’autres actes et situations qui vont réduire ou anéantir la liberté d’autres femmes de  refuser la prostitution ou le chantage à l’emploi. Cet acte est donc dangereux pour la liberté d’autrui et doit pour cette raison être interdit.
Lorsqu’un homme paie pour un acte sexuel,  il fait savoir aux femmes qu’il est prêt à utiliser son argent, son pouvoir économique pour un autre usage que l’entretien de son propre foyer, ou la charité envers les personnes dans le besoin, ou bien envers les salariés de son entreprise. 
Il fait savoir qu’il existe dans la société des fonds qui sont réservés à celles qui acceptent l’accès, la mise à disposition de leur corps, mais pas pour les autres.
Il fait savoir qu’il existe des hommes qui estiment que l’accès au corps d’autrui est pour eux une aspiration, un désir suffisant pour justifier une dépense, qui estiment ou prétendent pour certains qu’ils en auraient besoin, ou qui estiment qu’ils le « valent bien ».
Ce message signifie aux femmes, qui si elles ont besoin d’argent,  elles en trouveront plus difficilement en refusant des actes sexuels.
Car les hommes qui auront affecté de l’argent à l’obtention d’actes sexuels, font ainsi savoir qu’ils ne sont pas disposés à épouser des femmes qui n’acceptent pas certaines pratiques sexuelles, qu’ils ne  sont disposés à aider sans contrepartie des femmes dans le besoin.
Ils font savoir qu’ils ne sont pas enclins à embaucher des femmes qui ne leur fourniront pas en plus de leur travail, des faveurs sexuelles quelconques : de la relation sexuelle proprement à l’acceptation d’entendre des propos sexuellement explicites, en passant par les mains aux fesses et autres contacts ayant une signification sexuelle.
Dès lors que des hommes font savoir qu’ils sont dans cette disposition d’esprit, parlent de « besoin », se présentent comme « demandeur »,  ils créent une incitation pour des femmes et leurs proxénètes à produire une « offre ».
En effet, dès leur qu’un commerce est envisageable, les personnes recherchant un profit vont non seulement créer une offre. De plus, elles vont rechercher à provoquer une augmentation de leur marché par une augmentation de la demande, elles vont « créer le besoin », et même tenter de créer une dépendance au produit.
Ainsi, les femmes prostituées et leurs proxénètes, marchands de pornographies inclus, vont tenir un discours faux et dangereux sur la sexualité et l’affectivité humaine et sur les femmes, en disant aux hommes qu’ils ont des besoins irrépressibles et qu’il y a des femmes faites pour cela.
Ces deux affirmations sont fausses et dangereuses. Fausse, ce  sera l’objet de notre deuxième partie.
Dangereuses car elles incitent ou favorise au viol, à  l’inceste et au chantage à l’emploi.
Elles incitent au viol car elles lui donnent une prétendue justification et une prétendue excuse : s’il y a besoin …
Elles favorisent l’inceste car elles lui donnent une prétendue excuse : la petite ou jeune fille ferait partie de ces femmes « faites pour cela », aimerait cela. Comme l’expliquait encore il y a peu la psychanalyse : elles fantasment toutes cela…
Elles favorisent le chantage  à l’emploi car si l’acte de sexuel est présenté comme si anodin, si peu de chose, pour certaines femmes, il peut apparaitre naturel à des employeurs  ou collègue  de demander aux femmes de le donner en prime avec leur travail, ce n’est pas leur demander grand-chose au fond …
Tant que l’achat d’acte sexuel ne sera pas interdit, les pressions exercées sur les femmes pour entrer dans une situation de prostitution ou céder à un chantage à l’emploi, seront fortes et ne pourront pas être efficacement contrecarrées. La liberté des autres femmes de ne pas se soumettre à la prostitution sera entamée en pratique. Toute femme, sera menacée d’être frappée par le « stigmate de la putain ».
Le droit commercial interdit certaines pratiques commerciales qui sont pourtant réalisée avec un consentement parfait des parties prenantes, en raison de leur nocivité pour des tiers, pour l’intérêt général. Si l’on considère l’aspect marchand de l’achat d’acte sexuel, on voit que le type de problème est le même :  quand bien même la convention serait irréprochable entre les parties, la réalisation de certains actes contre paiement, doit être interdite en raison de leur nocivité pour les tiers.
Il est assez grotesque d’entendre, au sujet de la prostitution, des plaintes sur un ton geignard émaner par des hommes d’affaires ou de politiciens parfaitement informés du droit commercial et de la loi de l’offre et de la demande. L’appel à la sensiblerie ou à la commisération table de manière à la fois cynique et insultante sur une naïveté des femmes et de leurs défenseurs à propos du droit des affaires. Il table aussi sur la propension à voir « différemment » tout ce qui concerne les femmes.  Mais les partisans de la liberté de commercialiser l’acte sexuel, placent eux-mêmes le débat sur le terrain du droit commercial  …  Parlons donc liberté de commerce.
Le droit commercial interdit par exemple la vente à perte.  Dans le cas de vente à perte, toutes les parties sont consentantes. Le producteur ou le distributeur a librement déterminé son prix, le consommateur est tout prêt à acheter à un prix favorable.
Mais la réalisation de ventes à perte a des effets destructeurs sur l’économie. Elle  aboutit à la destruction d’entreprises concurrentes, incapable de financer un alignement sur les prix cassés. Cette destruction entraine des pertes d’emploi et de capacité de production.  Elle aboutit ensuite à des situations de monopoles. Ce monopole signifie une réduction de la diversité de la qualité des produits. Il permettra par contre ultérieurement de pratiquer des prix à forte marge bénéficiaire. 
Les tiers sont donc lésés : le pays perd des capacités de production, les consommateurs à terme seront victime de monopoles, limitant leur choix de produits et les obligeant à acheter à des prix plus élevés.
Le législateur a donc interdit la vente à  perte, (tout comme la formation de monopoles), pour assurer la bonne santé du tissu industriel et commercial.
A fortiori, il doit interdire une pratique qui des conséquences sur la protection de l’intégrité physique des personnes.

2     -      Définition des relations sexuelles devant rester hors commerce.
Est une relation de nature sexuelle, tout contact physique, visuel ou auditif avec le corps d’autrui dans ses aspects sexuels.
Toute relation sexuelle doit rester hors commerce. Elle implique une relation avec l’intimité de l’être de chaque personne qui ne peut faire l’objet d’un engagement juridique. Y compris dans le mariage.
Les « soins sexuels » revendiqués par certains handicapés impliquent des contacts de cette nature et constituent donc des relations sexuelles. Leur achat doit être inclus dans l’interdiction d’achat d’actes sexuels.

3     -   Il n’existe pas de besoin ( ni masculin ni féminin) ni de droit à des relations sexuelles
L’être humain a des besoins affectifs et de communication, mais nul besoin d’accéder au corps d’autrui. Le besoin affectif est au contraire antagoniste avec l’attitude prédatrice et égoïste de ceux qui s’imaginent avoir des besoins physiques à satisfaire en instrumentalisant l’autre.
Le « besoin » n’existe pas plus les hommes que les femmes.  Pour les hommes, aucune activité sexuelle volontaire n’est indispensable à leur bonne santé. Physiologiquement les médecins expliquent que le corps masculin se régule de lui-même.
Médecins et moralistes expliquent la sensation de manque vient des fantasmes (l’absence de chasteté mentale disent les moralistes) et non de la physiologie. L’envie n’est pas le besoin, l’appétit n’est pas la faim. Des moines hommes et femmes,  vivent dans la « chasteté », l’absence d’activité sexuelle volontaire, à la fois mentale et physique, sans que leur santé physique ou mentale s’en ressente.  C’est « leur choix » …

Les hommes n’ont pas à choisir entre être des hommes-masculins et être des Hommes, des hommes biens … La condition masculine a ses difficultés, car la possession de la force oblige à la maitriser, ce qui n’est pas chose facile ; mais elle n’est pas si atroce qu’elle empêcherait d’être affectivement en harmonie avec l’autre et moralement en accord avec soi. 

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