Contribution écrite du CERF à la commission spéciale sur la
prostitution
Nous souhaitons attirer
l’attention de la commission sur :
-
un élément à prendre en considération dans la
décision de limiter indirectement la « liberté » des prostituées (1)
-
la nécessité de définir les relations sexuelles
pour contrer la demande de « soins » sexuels aux infirmes (2)
-
et répondre à une question du Président sur la notion de besoin (3). [ voir ici : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4823# Audition de personnes sorties de la prostitution ]
Nous vous indiquons également nos
demandes sur deux autres points de votre
proposition ( 4 et 5). A leur sujet, nous approuvons les arguments déjà exposés
par d’autres devant votre commission.
1- 1- L’achat
d’acte sexuel, même éventuellement librement consenti, doit être interdit au nom de la liberté des
tiers. Il met en cause la liberté effective de chaque femme de ne pas se
prostituer.
2- 2 - Définition
des relations sexuelles devant rester hors commerce.
3- 3- Il
n’existe pas de besoin (ni masculin ni féminin) ni de droit à des relations
sexuelles
4- 4 L’incrimination
doit être délictuelle car la
prostitution est une atteinte à l’intégrité physique de personnes
5- 5 Mesures
d’accompagnement : nous demandons l’abrogation de toute incrimination
visant les prostituées, et l’abrogation de toute fiscalisation ou obligation au
paiement de charges sociales portant sur les recettes de la prostitution :
l’Etat et les caisses sociales doivent cesser d’être proxénètes.
1 - L’achat d’acte sexuel, même éventuellement
librement consenti, doit être interdit
au nom de la liberté des tiers. Il met
en cause la liberté effective de chaque femme de ne pas se prostituer.
Le législateur s’interroge sur le
point de savoir s’il doit évaluer la proportion de femmes en situation de
prostitution par choix, avant de décider de mesure restreignant leur clientèle.
Notre réponse est non. Il faut refuser les objections à la pénalisation de l’achat
de prostitution au nom de la liberté de prostituées qui seraient consentantes.
Car même si 99% des femmes offrant un
acte sexuel contre rémunération avaient pleinement consenti à cet acte, l’achat
devrait en être interdit en raison de sa nocivité pour les tiers.
La liberté consiste à faire ce
qui ne nuit pas à autrui, la liberté n’a de borne que celles qui assurent aux
autres membres de la société la jouissance des mêmes droits.
Tout comme la liberté du commerce
valablement consenti entre des parties est limitée en raison de l’intérêt des
tiers, l’achat de prostitution est une atteinte nécessaire à la liberté du
client et de la prostituée même dans l’hypothèse où celle-ci serait pleinement
consentante, en raison de l’intérêt des tiers.
Or lorsqu’un homme (ou
éventuellement une femme) achète à une femme ou un jeune homme un acte
sexuel, la liberté d’autres femmes ou
jeunes filles de refuser de se
prostituer est réduite et remise en cause. Car son acte entraine une série d’autres actes
et situations qui vont réduire ou anéantir la liberté d’autres femmes de refuser la prostitution ou le chantage à
l’emploi. Cet acte est donc dangereux pour la liberté d’autrui et doit pour
cette raison être interdit.
Lorsqu’un homme paie pour un acte
sexuel, il fait savoir aux femmes qu’il
est prêt à utiliser son argent, son pouvoir économique pour un autre usage que
l’entretien de son propre foyer, ou la charité envers les personnes dans le
besoin, ou bien envers les salariés de son entreprise.
Il fait savoir qu’il existe dans
la société des fonds qui sont réservés à celles qui acceptent l’accès, la mise
à disposition de leur corps, mais pas pour les autres.
Il fait savoir qu’il existe des
hommes qui estiment que l’accès au corps d’autrui est pour eux une aspiration,
un désir suffisant pour justifier une dépense, qui estiment ou prétendent pour
certains qu’ils en auraient besoin, ou qui estiment qu’ils le « valent
bien ».
Ce message signifie aux femmes,
qui si elles ont besoin d’argent, elles
en trouveront plus difficilement en refusant des actes sexuels.
Car les hommes qui auront affecté
de l’argent à l’obtention d’actes sexuels, font ainsi savoir qu’ils ne sont pas
disposés à épouser des femmes qui n’acceptent pas certaines pratiques sexuelles,
qu’ils ne sont disposés à aider sans
contrepartie des femmes dans le besoin.
Ils font savoir qu’ils ne sont
pas enclins à embaucher des femmes qui ne leur fourniront pas en plus de leur
travail, des faveurs sexuelles quelconques : de la relation sexuelle
proprement à l’acceptation d’entendre des propos sexuellement explicites, en
passant par les mains aux fesses et autres contacts ayant une signification
sexuelle.
Dès lors que des hommes font savoir
qu’ils sont dans cette disposition d’esprit, parlent de « besoin »,
se présentent comme « demandeur »,
ils créent une incitation pour des femmes et leurs proxénètes à produire
une « offre ».
En effet, dès leur qu’un commerce
est envisageable, les personnes recherchant un profit vont non seulement créer
une offre. De plus, elles vont rechercher à provoquer une augmentation de leur
marché par une augmentation de la demande, elles vont « créer le
besoin », et même tenter de créer une dépendance au produit.
Ainsi, les femmes prostituées et
leurs proxénètes, marchands de pornographies inclus, vont tenir un discours
faux et dangereux sur la sexualité et l’affectivité humaine et sur les femmes,
en disant aux hommes qu’ils ont des besoins irrépressibles et qu’il y a des
femmes faites pour cela.
Ces deux affirmations sont
fausses et dangereuses. Fausse, ce sera
l’objet de notre deuxième partie.
Dangereuses car elles incitent ou
favorise au viol, à l’inceste et au
chantage à l’emploi.
Elles incitent au viol car elles
lui donnent une prétendue justification et une prétendue excuse : s’il y a
besoin …
Elles favorisent l’inceste car
elles lui donnent une prétendue excuse : la petite ou jeune fille ferait
partie de ces femmes « faites pour cela », aimerait cela. Comme
l’expliquait encore il y a peu la psychanalyse : elles fantasment toutes
cela…
Elles favorisent le chantage à l’emploi car si l’acte de sexuel est
présenté comme si anodin, si peu de chose, pour certaines femmes, il peut
apparaitre naturel à des employeurs ou
collègue de demander aux femmes de le
donner en prime avec leur travail, ce n’est pas leur demander grand-chose au
fond …
Tant que l’achat d’acte sexuel ne
sera pas interdit, les pressions exercées sur les femmes pour entrer dans une
situation de prostitution ou céder à un chantage à l’emploi, seront fortes et
ne pourront pas être efficacement contrecarrées. La liberté des autres femmes
de ne pas se soumettre à la prostitution sera entamée en pratique. Toute femme,
sera menacée d’être frappée par le « stigmate de la putain ».
Le droit commercial interdit
certaines pratiques commerciales qui sont pourtant réalisée avec un
consentement parfait des parties prenantes, en raison de leur nocivité pour des
tiers, pour l’intérêt général. Si l’on considère l’aspect marchand de l’achat
d’acte sexuel, on voit que le type de problème est le même : quand bien même la convention serait
irréprochable entre les parties, la réalisation de certains actes contre
paiement, doit être interdite en raison de leur nocivité pour les tiers.
Il est assez grotesque d’entendre,
au sujet de la prostitution, des plaintes sur un ton geignard émaner par des
hommes d’affaires ou de politiciens parfaitement informés du droit commercial
et de la loi de l’offre et de la demande. L’appel à la sensiblerie ou à la
commisération table de manière à la fois cynique et insultante sur une naïveté
des femmes et de leurs défenseurs à propos du droit des affaires. Il table
aussi sur la propension à voir « différemment » tout ce qui concerne
les femmes. Mais les partisans de la
liberté de commercialiser l’acte sexuel, placent eux-mêmes le débat sur le
terrain du droit commercial …
Parlons donc liberté de commerce.
Le droit commercial interdit par
exemple la vente à perte. Dans le cas de
vente à perte, toutes les parties sont consentantes. Le producteur ou le
distributeur a librement déterminé son prix, le consommateur est tout prêt
à acheter à un prix favorable.
Mais la réalisation de ventes à
perte a des effets destructeurs sur l’économie. Elle aboutit à la destruction d’entreprises
concurrentes, incapable de financer un alignement sur les prix cassés. Cette
destruction entraine des pertes d’emploi et de capacité de production. Elle aboutit ensuite à des situations de monopoles.
Ce monopole signifie une réduction de la diversité de la qualité des produits.
Il permettra par contre ultérieurement de pratiquer des prix à forte marge
bénéficiaire.
Les tiers sont donc lésés :
le pays perd des capacités de production, les consommateurs à terme seront
victime de monopoles, limitant leur choix de produits et les obligeant à
acheter à des prix plus élevés.
Le législateur a donc interdit la
vente à perte, (tout comme la formation
de monopoles), pour assurer la bonne santé du tissu industriel et commercial.
A fortiori, il doit interdire une
pratique qui des conséquences sur la protection de l’intégrité physique des
personnes.
2 -
Définition des relations
sexuelles devant rester hors commerce.
Est une relation de nature
sexuelle, tout contact physique, visuel ou auditif avec le corps d’autrui dans
ses aspects sexuels.
Toute relation sexuelle doit
rester hors commerce. Elle implique une relation avec l’intimité de l’être de
chaque personne qui ne peut faire l’objet d’un engagement juridique. Y compris
dans le mariage.
Les « soins sexuels »
revendiqués par certains handicapés impliquent des contacts de cette nature et
constituent donc des relations sexuelles. Leur achat doit être inclus dans
l’interdiction d’achat d’actes sexuels.
3 - Il n’existe pas de besoin ( ni masculin ni
féminin) ni de droit à des relations sexuelles
L’être humain a des besoins
affectifs et de communication, mais nul besoin d’accéder au corps d’autrui. Le
besoin affectif est au contraire antagoniste avec l’attitude prédatrice et égoïste
de ceux qui s’imaginent avoir des besoins physiques à satisfaire en
instrumentalisant l’autre.
Le « besoin » n’existe
pas plus les hommes que les femmes. Pour
les hommes, aucune activité sexuelle volontaire n’est indispensable à leur
bonne santé. Physiologiquement les médecins expliquent que le corps masculin se
régule de lui-même.
Médecins et moralistes expliquent
la sensation de manque vient des fantasmes (l’absence de chasteté mentale
disent les moralistes) et non de la physiologie. L’envie n’est pas le besoin,
l’appétit n’est pas la faim. Des moines hommes et femmes, vivent dans la « chasteté »,
l’absence d’activité sexuelle volontaire, à la fois mentale et physique, sans
que leur santé physique ou mentale s’en ressente. C’est « leur choix » …
Les hommes n’ont pas à choisir
entre être des hommes-masculins et être des Hommes, des hommes biens … La
condition masculine a ses difficultés, car la possession de la force oblige à
la maitriser, ce qui n’est pas chose facile ; mais elle n’est pas si
atroce qu’elle empêcherait d’être affectivement en harmonie avec l’autre et
moralement en accord avec soi.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire