Notre législation qui s’oppose à la commercialisation du corps humain et stipule, sans discussion possible, que « la mère est celle qui accouche » fait
barrage au recours à la gestation pour autrui (GPA). Les tenants de la GPA s’emploient donc à faire sauter ces 2 verrous en relançant le débat en sa faveur à chaque révision de la loi de bioéthique. Des associations LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuelles et trans) s’y associent, défendant la GPA comme l’une des réponses à leur demande homoparentale.
Le public, lui, est partagé entre un sentiment de révolte face à ce qui lui semble choquant au plan humain, une tentation compassionnelle vis‐à‐vis de la dramatisatio de l infertilit et de l incapacit biologique des hommes porter un enfant et enfin une sorte d’oblitération critique devant ce qu’on présente, à tort, comme une avancée des méthodes de procréation médicalement assistée (PMA).
La GPA est revendiquée au plan thérapeutique comme palliatif de l’infertilité (sont évoqués les cas de femmes nées sans utérus fonctionnel) mais aussi, de plus en plus, comme demande sociale. Ainsi, le bébé « clef en main » répondrait à une demande homoparentale « gay ». II constituerait une
alternative aux procédures d’adoption parfois longues et aléatoires. Enfin, il pourrait satisfaire l’exigence de confort de certaines femmes en épargnant leur carrière et leur physique.
Le revers de cette demande est une régression sociale féroce, observée partout où la libéralisation de la GPA s’est instaurée. Une véritable industrie de
« location de ventre » et de commerce d’ovocytes se développe ainsi en Inde, en Ukraine et aux USA où des agences proposent une « prestation » aboutissan la livraison du produit , « un bébé », avec choix sur catalogu des donneuses d’ovocyte en fonction de leur physique, sélection des gestatrices sur leurs performances et procédure juridique organisant la filiation.
Tout y repose sur un dispositif contractuel d’essence libérale qui spécifie les obligations et droits des deux parties : les critères de sélection de la gestatrice, ses obligations tout au long de sa grossesse, les dédommagements financiers, les cas de retrait du contrat avant terme…
Il est symptomatique d’apprendre que les gestatrices sont, en Inde et en
Ukraine, des jeunes femmes pauvres tandis qu’aux USA elles sont recrutées
parmi les mères au foyer, c’est à dire des femmes sans revenus propres !
Face à ces pratiques perçues comme « choquantes » s’est développée une
demande d’encadrement, dite éthique, de la GPA où les conditions d’accès
pour les demandeurs/euses et de participation pour les gestatrices seraient fixées, non plus par contrat, mais par la loi.
Mais, pour nous, cette démarche
« réglementariste » ne saurait faire disparaître l’iniquité fondamentale de la
pratique. Il ne faut pas oublier non plus que toute démarche législative d’ouverture de la GPA rendrait de facto cette pratique acceptable socialement.
Derrière les arguments en faveur de la GPA se profile une vision de la société que, nous féministes et lesbiennes féministes, ne pouvons partager
: l’épanouissement de l’individuE passerait par la mise en œuvre irrépressible d’un projet parental organisé autour de la sublimation du lien génétique. La société devrait s’employer par tout moyen, y compris en légiférant, à satisfaire cette demande, même au prix de l’instrumentalisation d’une partie de nos sociétés, les femmes et de la marchandisation de leur utérus et ovocytes sans
égard pour les principes d’égalité et d’équité. Pour y parvenir, on s’appuie sur
les ressorts classiques de l’aliénation et de la domination : la glorification de vertus présentées comme ‘’spécifiquement féminines’’ telles la générosité, l’altruisme, le don de soi, le bonheur et le rayonnement de l’état de grossesse, figeant ainsi les femmes dans ce rôle traditionnel auquel on voudrait les
soumettre. Qu’on arrête de nous jouer les vieux couplets de l’ère patriarcale. !
L’histoire, elle aussi, est convoquée pour tenter de prouver l’enracinement de cette pratique dans notre culture. A l’appui, des cas de dons d’enfant mais qui relèvent à l’analyse, soit de situations de subordination (Sarah et Hagar dans la
bible), soit de partage d’autorité parentale (confier un enfant à un couple
infertile ou soulager une famille trop nombreuse en prenant en charge l’un des enfants). Qui plus est, ces exemples viennent d’une époque où la justification social de l existenc des femme passait par leur capacité de procréation, l’une des impositions du système patriarcal.
Argument de choc, les gestatrices et fournisseuses d’ovocytes sont libres, avance‐t‐on, de cette liberté revendiquée par les femmes dans les années
1970. Voici un exemple typique de récupération et de détournement des
luttes unitaires féministes. En affirmant « Notre corps nous appartient » il s'agissait alors de lever la contrainte reproductive que la société imposait aux femmes en permettant
à toutes de pouvoir accéder à la contraception, à l'avortement gratuit et ainsi maîtriser la maternité. Échapper à cette astreinte devenait un « levier » pour libérer le corps des femmes, support d'oppression sociale et patriarcale. Avec la GPA, pas de volonté de libération collective, mais
la mise en avant d’une vision strictement individuelle « chaque mère porteuse
est libre de disposer de son corps », argument utilisé pour faire barrage à une réflexion sociale.
Loin de nous l’idée de juger, a fortiori de condamner, les individuEs qui en tant que gestatrices ou en tant que demandeurs/euses entrent, ou sont entrées, dans un processus de GPA. Nous ne nous positionnons pas en moralistes, nous ne réfléchissons pas au niveau individuel,
mais
globalement au niveau de la société toute entière. Comme dautres, ces IndividuEs subissent la pression de la société et le poids de la norme sociale qui impose la parentalité dans le cadre du couple, de la sacrosainte famille, au besoin modernisée en y incluant le couple homosexuel. Plus que jamais cette norme est à déconstruire.
Ce qui se construit autour de la GPA est significatif de la progression de l’idéologie néolibérale, qui comme le montre Jules Falquet dans son livre
« De gré ou de force, les femmes dans la mondialisation », fait de plus en plus entrer les femmes dans le rôle de femmes de service. Service qui se décline maintenant en service à la personne, service sexuel dans la prostitution et ici service procréatif avec la GPA.
De cela nous ne serons jamais ni les alliées, ni les complices.
Pourtant, il est envisageable, en ouvrant le champ du possible et avec une
vision progressiste de la société, d’envisager d’autres dispositifs ou de promouvoir d’autres pistes plus centrées sur la question du bonheur de l’enfant.
• L'adoption plénière accessible à toutes et à tous, aux homosexuels, aux lesbiennes, aux hétérosexuels, à toute personne qui remplit les
conditions énoncées par la loi, sans condition de fonctionnement en couple ;
• La généralisation de l'accès à la PMA pour les femmes ;
• La possibilité d'une éducation collective sans appropriation de l'enfant par le biais de l'adoption simple de l'accès à la coparentalité ou à la beau‐parentalité.
Octobre 2011
Coordination des Associations pour ledroit à l‘Avortement et la Contraception (CADAC)
Coordination Lesbienne en France (CLF)
Planning Familial (MFPF)
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