Christine de Pisan

Christine de Pisan

vendredi 25 janvier 2013

Revue du CERF : interview de Mireille Vallette




Interview de Mireille Vallette

CERF :   Pouvez-vous décrire votre parcours de militante, à la fois féministe et socialiste : pourquoi ces engagements, quelle conception du féminisme et du socialisme sont les votre, et quelle a été votre activité militante ?

Mireille Vallette :  Je suis d’abord féministe, j’ai participé au mouvement de libération des années 70 et cette grille d’analyse ne m’a plus quittée. J’ai travaillé à un petit magazine d’extrême gauche, puis j’ai été journaliste, notamment à la Tribune de Genève, durant 15 ans, ce qui excluait pour moi tout engagement militant, C’est au moment où j’ai été engagée comme responsable d’un dispositif de réinsertion pour chômeurs que je me suis inscrite au PS. C’était en 1995.  Ensuite,  entre 2000 et 2011,  j’ai été chargée de communication dans une institution sociale. En 2009, j’ai publié « Islamophobie ou légitime défiance ? » où mon point de vue féministe et mes valeurs humanistes sont clairement affirmées. J’ai démissionné tout récemment du Parti socialiste vu sa totale imperméabilité à la problématique de l’intégrisme musulman et son refus du débat.

CERF :   De quelles féministes vous sentez proche aujourd’hui ?

Mireille Vallette :  Celles qui sont conscientes du danger islamiste et dénoncent le fait que les démocraties ne se défendent pas contre ce danger : Necla Kelek, Djemila Benhabib, WafaSultan, Anne Zelensky, etc. et en Suisse Saïda Keller Messahli.

CERF :   A quel public votre livre s’adresse-t-il plus particulièrement, et dans quel objectif l’avez-vous écrit ?

Mireille Vallette :  Pour moi, ce livre est un instrument de combat. Je pense que la cible idéale, ce sont des personnes qui sont conscientes du danger islamiste et sont à la recherche d’arguments. Mais je dois reconnaître que ce sont surtout les sites fréquentés par des convaincus qui en parlent et des gens convaincus et souvent bien informés qui le lisent.  En Suisse, il est très peu visible dans nos librairies.

CERF :   Pourquoi avoir changé d’éditeur par rapport à votre premier livre, « Islamophobie et légitime défiance? »

Mireille Vallette :  Parce que le premier éditeur, Favre,  a refusé. Voici son explication, parue dans un article du Temps du 10 octobre. Il estime que le contenu n’était pas assez nouveau, et craignait des agressions : «  Entre le courage de notre maison d’édition et la responsabilité que j’ai de penser à la sécurité de ceux qui y travaillent, il faut parfois faire des arbitrages.»
  
CERF :   Comment expliquez- vous le silence  de la majorité des féministes et des socialistes face aux remises en cause des droits des femmes et aux autres régressions de l’islam ?

Mireille Vallette :  Je ne me l’explique pas complètement, mais il est clair que le fait que les musulmans soient des immigrés, descendants ou nouveaux, joue un rôle important. Les immigrés ont remplacé les prolétaires d’antan dans l’imaginaire de gauche, on veut les voir comme des gens discriminés et victimes, jamais coupables. Quant aux féministes, elles ont toujours été de gauche et préfèrent détourner la tête de cette problématique gênante. Mais tout de même : je ne comprends pas vraiment.

CERF :   Et le silence de la presse ?

Mireille Vallette :  Elle est aussi de gauche ou centre gauche et ne peut imaginer qu’une partie de la population  déteste notre société et travaille à la remplacer par l’islam. Elle veut croire que le foulard est un simple signe religieux et pas un symbole discriminatoire. Elle fait ainsi des interviews extraordinairement complaisantes. Et peut-être la paresse intellectuelle empêche-t-elle les journalistes de chercher quelles sont les textes sur lesquels reposent les convictions et pratiques archaïques de l’islam d’aujourd’hui. Je suis frappée de voir à quel point leurs interlocuteurs peuvent leur faire gober les plus grosses sornettes. Un exemple récent d’une personnalité musulmane : « Il n’y a rien dans l’islam qui autorise à frapper une femme ! »

CERF :   Les féministes avaient demandé, à cause des violences conjugales à faire reconnaitre que « le privé est politique », c’est-à-dire que la femme n’est pas une propriété privée de l’homme, que la société doit poser des normes, et donc prendre un parti politique (et « moral ») sur ce qui se passe dans le privé entre hommes et femmes. Aujourd’hui, cette revendication semble remise en cause au nom de l’égalité et la liberté religieuse, invoquée pour exiger violence conjugale, excision etc.  Contre cette remise en cause, quelle devrait être l’argumentaire féministe selon vous ?

Mireille Vallette :  Joker !  Je ne connais personne qui exige de pratiquer la violence conjugale ou l’excision hors quelques fanatiques, mais qui le diront rarement ouvertement. . En tout cas, personne des vraies ou fausses féministes ne l’admet. Il s’agit plutôt de contester telle ou telle condamnation d’un tribunal au nom de la relativité culturelle, mais la violence…

CERF :   A votre avis, la violence envers une catégorie de personnes, est-elle une question de conditions économiques, de niveau social ou de vision de l’autre, de conception des droits et devoirs de chacun et chacune ?

Mireille Vallette :  En ce qui concerne l’islam, je pense que cette violence est due en bonne partie à une lecture littérale des textes, d’autant plus dangereuse que les musulmans aujourd’hui sont convaincus que le Coran est écrit par Dieu lui-même, sans intermédiaire, et ne peut en conséquence ni être modifié, ni même interprété. L’Arabie saoudite et les Etats du Golfe, où les femmes de même que la main d’œuvre immigrée sont traitées presque comme des esclaves montrent à quel point la richesse n’entraîne pas automatiquement l’ouverture et le progrès. Les auteurs d’attentats terroristes sont d’ailleurs le plus souvent parfaitement intégrés. Je pense que la vision marxiste de la condition socio-économique comme source des comportements est obsolète en ce qui concerne le radicalisme musulman.

CERF :   Vos livres m’ont fait penser aux « Chroniques des événements en cours » les samizdat soviétiques » … car ce que vous écrivez est en même temps condamné par nombre de magistrats et autorités   « http://bibliophilieemigrationrusse.blogspirit.com/archive/2006/11/27/chronique-des-evenements-en-cours-samizdat-sovietique.html: est ce qu’il y a pour vous un risque d’instauration d’un totalitarisme ou bien est ce que nous risquerions juste une augmentation de l’insécurité, autrement dit, sommes-nous face à un risque de révolution théocratique ou est-ce fantasme et s’agit il juste de faits divers  ?

Mireille Vallette :  « Boulevard de l’islamisme » montre l’avancée du radicalisme islamique. S’il vainc, il conduira inéluctablement au totalitarisme.  L’islam réactionnaire et intolérant s’est déjà imposé dans de nombreux secteurs de la société : entreprises, écoles, hôpitaux, politique…  Ni les mouvements musulmans qui se disent pacifiques et intégrés, ni nos autorités ne combattent cette emprise croissante du religieux sur le séculier. Et une grande partie de l’élite ferme résolument les yeux. 

CERF :    Vous titrez votre livre en parlant de « radicalisme », et vous citez Chadortt Djavann qui elle parle de « Totalitarisme islamique » : quelle distinction faite vous entre les deux termes ?

Mireille Vallette :  Aucune, j’utilise aussi l’expression totalitarisme islamique. Les radicaux sotn ceux qui l’instaurent.

CERF :   Vous parlez de certains intellectuels européens comme des alliés de ce radicalisme, vous employez même  le terme de « collaboration » à propos d’Amnesty international : cette terminologie n’est elle pas exagérée ?

Mireille Vallette :  Amnesty International joue un jeu étrange. Elle est extraordinairement offensive pour imposer des protections aux revendications sexistes, telles que port du foulard dans les entreprises, et lutte contre toute interdiction du niqab. Elle réclame des droits supplémentaires pour cette population musulmane, et ne critique pas ses idées intolérantes et ségrégationnistes. Amnesty est clairement un compagnon de route de l’islamisation de nos sociétés, comme bien d’autres ONG.

CERF :   Vous montrez quantité d’actes et de décisions de soumission aux normes islamiques dans nos sociétés. Pourquoi aborder la question de l’islam sous cet angle principalement factuel ?

Mireille Vallette :  Parce que c’est un exercice nécessaire. Beaucoup de livres développent d’autre aspects, historiques, idéologiques, centrés sur tel ou tel pays. Chacun apporte sa pierre au service de cette cause majeure qu’est la défense de la démocratie. Moi, j’ai un esprit très journalistique, j’aime les faits, et c’est cette compétence que j’utilise pour alerter sur le danger qui nous guette.

CERF :   Vous donnez de nombreux exemples de juges et intellectuels européens qui font prévaloir sur nos droits les plus fondamentaux les règles de l’islam. Pouvez vous nous donner un exemple qui vous a particulièrement frappée?

Mireille Vallette :  J’en donnerai deux. Celui de l’autrichienne Elisabeth Sabaaditsch-Wolf, qui a été condamnée pour avoir « dénigré une croyance », comme l’autorise la législation du pays. Et celui de ce juge américain musulman qui relaxe l’agresseur, musulman lui aussi, d’un homme qui s’était déguisé en Mahomet pour Halloween. Non seulement le juge ne condamne pas, mais il fait tout un sermon à la victime sur le merveilleux islam qu’elle a méprisé ainsi. Il se trouve que ce déguisé a enregistré le sermon et l’a diffusé sur Internet.

CERF :   Vous citez aussi des affaires judiciaires, dans lesquels des musulmans qui enseignent des préceptes coraniques qui ne respectent pas notre législation humaniste ont été absous. Pensez-vous qu’il serait nécessaire d’édicter des lois plus dures ou  est ce l’application du droit commun qu’il faut interpréter plus rigoureusement?

Mireille Vallette :  Selon moi, si les élites, les partis progressistes, les médias disaient clairement : le foulard, les cours de natation non mixtes, etc. sont des revendications sexistes, la demande de cimetières ou d’écoles musulmans des demandes régressives, ce serait déjà un très grand pas. Probablement qu’un durcissement des législations serait aussi bénéfique, mais il faudrait étudier cela de près avec des juristes.

CERF :   Vous parlez de la manière dont on utilise l’étiquette « extrême-droite » pour empêcher tout débat et ostraciser les critiques de l’islam et des musulmans intégristes. Pouvez-vous préciser ?

Mireille Vallette :  Je viens d’en faire l’expérience à Genève à propos de ce livre, d’une part dans un quotidien de gauche, d’autre part dans le journal du Parti socialiste genevois. Des tribunes libres me taxaient de raciste, fasciste, sectaire, haineuse,  et aussi de « soi-disant féministe ». Ni l’un, ni l’autre de ces organes n’a accepté que je réponde.  On m’avait collé l’étiquette, le débat était clos. On n’allait tout de même pas donner là parole à un suppôt d’extrême droite ! En France, le troupeau  médiatique est unanime à pratiquer cette tactique.

CERF :   Vous citez des cas de musulmans aux propos sexistes ou homophobes qui continuent à être considérés comme des interlocuteurs légitimes par les autorités. N’y a-t-il pas parallèlement une tendance à l’exclusion, notamment professionnelle, d’hommes ou de femmes non féministes ou « LGBT », opposés au droit à l’avortement, au PACS, au mariage et à l’adoption homosexuels ?

Mireille Vallette :  De manière générale, une partie de la société, notamment de gauche, s’est arrogée l’exclusivité de dire la morale et le progrès. Seule ses convictions sont acceptables, et elle devient extrêmement intolérante, exprimant souvent avec la complicité des journalistes, des jugements sans appel, pour empêcher l’expression des convictions contraires.  On l’a vu lors  de la manif catholique contre le mariage et l’adoption gays à Paris où des manifestants attaqués par  des femmes demi-nue et hystériques sont devenus dans toute la presse les agresseurs.  Professionnellement, je pense aussi qu’il devient de plus en plus difficile d’être engagé dans une administration ou une université en ayant publiquement défendu certaines convictions. Ça me paraît faire partie de cette avancée du totalitarisme.

CERF :   Des journalistes ont révélé dans des articles le nom de personnes qui écrivaient sur l’islam sous pseudonyme :  quel jugement portez vous, en tant que journaliste et socialiste/féministe sur de telles actions 

Mireille Vallette :  Ce genre d’actes est indigne et immoral, et plus encore si l’on considère la conjoncture que je décris dans la réponse précédente. On met ainsi en danger des personnes qui peuvent voir toute leur vie professionnelle, voir personnelle, gâchée.

CERF :   Quelle évolution constatez vous entre la situation telle que vous l’aviez décrite dans votre précédent livre, et la situation actuelle ?

Mireille Vallette :  C’est simple: tout s’aggrave…

CERF :   Quelles particularités présente la Suisse par rapport par rapport aux musulmans radicaux ?

Mireille Vallette :  La Suisse n’a pas de ghetto, une bonne partie de sa population musulmane est une immigration de travail et les plus nombreux, les albanophones, ne sont pas très pratiquants, ni fondamentalistes. Mais ces derniers ne s’expriment pas publiquement. J’ai montré dans mon premier livre, après analyse d’une centaine d’interventions dans les médias, que tous les responsables, imams et porte-paroles qui s’expriment dans l’espace public sont intégristes, bien qu’ils tentent de faire croire le contraire.  Et ce sont eux qui orientent ce qui est enseigné dans les mosquées : détestation de l’Occident et de ses mœurs, apartheid sexuel, séparation des musulmans du reste de la population, emprise de l’islam dans l’espace public, etc. Depuis mon premier livre, nous avons vu l’apparition du Conseil central islamique de Nicolas Blancho, particulièrement radical. Les autres guides religieux ne montrent pas une tendance au progrès.



Aucun commentaire: