Interview de Mireille Vallette
CERF : Pouvez-vous décrire votre parcours de
militante, à la fois féministe et socialiste : pourquoi ces engagements,
quelle conception du féminisme et du socialisme sont les votre, et quelle a été
votre activité militante ?
Mireille Vallette :
Je suis d’abord féministe, j’ai participé au mouvement de libération des
années 70 et cette grille d’analyse ne m’a plus quittée. J’ai travaillé à un
petit magazine d’extrême gauche, puis j’ai été journaliste, notamment à la
Tribune de Genève, durant 15 ans, ce qui excluait pour moi tout engagement
militant, C’est au moment où j’ai été engagée comme responsable d’un dispositif
de réinsertion pour chômeurs que je me suis inscrite au PS. C’était en
1995. Ensuite, entre 2000 et 2011, j’ai été chargée de communication dans une
institution sociale. En 2009, j’ai publié « Islamophobie ou légitime
défiance ? » où mon point de vue féministe et mes valeurs humanistes
sont clairement affirmées. J’ai démissionné tout récemment du Parti socialiste
vu sa totale imperméabilité à la problématique de l’intégrisme musulman et son
refus du débat.
CERF : De quelles féministes vous sentez proche
aujourd’hui ?
Mireille Vallette : Celles qui sont conscientes du danger
islamiste et dénoncent le fait que les démocraties ne se défendent pas
contre ce danger : Necla Kelek, Djemila Benhabib, WafaSultan, Anne
Zelensky, etc. et en Suisse Saïda Keller Messahli.
CERF : A quel public votre livre
s’adresse-t-il plus particulièrement, et dans quel objectif l’avez-vous
écrit ?
Mireille Vallette : Pour moi, ce livre est un instrument de
combat. Je pense que la cible idéale, ce sont des personnes qui sont conscientes
du danger islamiste et sont à la recherche d’arguments. Mais je dois
reconnaître que ce sont surtout les sites fréquentés par des convaincus qui en
parlent et des gens convaincus et souvent bien informés qui le lisent. En Suisse, il est très peu visible dans nos
librairies.
CERF : Pourquoi avoir changé
d’éditeur par rapport à votre premier livre, « Islamophobie et
légitime défiance? »
Mireille Vallette : Parce que le premier éditeur, Favre, a refusé. Voici son explication, parue dans
un article du Temps du 10
octobre. Il estime que le contenu n’était pas assez nouveau, et
craignait des agressions : « Entre
le courage de notre maison d’édition et la responsabilité que j’ai de penser à
la sécurité de ceux qui y travaillent, il faut parfois faire des arbitrages.»
CERF : Comment expliquez- vous le
silence de la majorité des
féministes et des socialistes face aux remises en cause des droits des femmes
et aux autres régressions de l’islam ?
Mireille Vallette : Je ne me l’explique pas complètement,
mais il est clair que le fait que les musulmans soient des immigrés,
descendants ou nouveaux, joue un rôle important. Les immigrés ont remplacé les
prolétaires d’antan dans l’imaginaire de gauche, on veut les voir comme des
gens discriminés et victimes, jamais coupables. Quant aux féministes, elles ont
toujours été de gauche et préfèrent détourner la tête de cette problématique
gênante. Mais tout de même : je ne comprends pas vraiment.
CERF : Et le silence de la presse ?
Mireille Vallette : Elle est aussi de gauche ou centre
gauche et ne peut imaginer qu’une partie de la population déteste notre société et travaille à la
remplacer par l’islam. Elle veut croire que le foulard est un simple signe
religieux et pas un symbole discriminatoire. Elle fait ainsi des interviews
extraordinairement complaisantes. Et peut-être la paresse intellectuelle
empêche-t-elle les journalistes de chercher quelles sont les textes sur
lesquels reposent les convictions et pratiques archaïques de l’islam d’aujourd’hui.
Je suis frappée de voir à quel point leurs interlocuteurs peuvent leur faire
gober les plus grosses sornettes. Un exemple récent d’une personnalité
musulmane : « Il n’y a rien dans l’islam qui autorise à frapper une
femme ! »
CERF : Les féministes avaient demandé, à cause
des violences conjugales à faire reconnaitre que « le privé est
politique », c’est-à-dire que la femme n’est pas une propriété privée de
l’homme, que la société doit poser des normes, et donc prendre un parti
politique (et « moral ») sur ce qui se passe dans le privé entre
hommes et femmes. Aujourd’hui, cette revendication semble remise en cause au
nom de l’égalité et la liberté religieuse, invoquée pour exiger violence
conjugale, excision etc. Contre
cette remise en cause, quelle devrait être l’argumentaire féministe selon
vous ?
Mireille Vallette : Joker ! Je ne connais personne qui exige de pratiquer la violence
conjugale ou l’excision hors quelques fanatiques, mais qui le diront rarement
ouvertement. . En tout cas, personne des vraies ou fausses féministes ne
l’admet. Il s’agit plutôt de contester telle ou telle condamnation d’un
tribunal au nom de la relativité culturelle, mais la violence…
CERF : A votre avis, la violence envers une
catégorie de personnes, est-elle une question de conditions économiques, de
niveau social ou de vision de l’autre, de conception des droits et devoirs de
chacun et chacune ?
Mireille Vallette : En ce qui concerne l’islam, je pense que cette violence
est due en bonne partie à une lecture littérale des textes, d’autant plus
dangereuse que les musulmans aujourd’hui sont convaincus que le Coran est écrit
par Dieu lui-même, sans intermédiaire, et ne peut en conséquence ni être
modifié, ni même interprété. L’Arabie saoudite et les Etats du Golfe, où les
femmes de même que la main d’œuvre immigrée sont traitées presque comme des
esclaves montrent à quel point la richesse n’entraîne pas automatiquement
l’ouverture et le progrès. Les auteurs d’attentats terroristes sont d’ailleurs
le plus souvent parfaitement intégrés. Je pense que la vision marxiste de la
condition socio-économique comme source des comportements est obsolète en ce
qui concerne le radicalisme musulman.
Mireille Vallette : « Boulevard de l’islamisme »
montre l’avancée du radicalisme islamique. S’il vainc, il conduira
inéluctablement au totalitarisme.
L’islam réactionnaire et intolérant s’est déjà imposé dans de nombreux
secteurs de la société : entreprises, écoles, hôpitaux, politique… Ni les mouvements musulmans qui se disent
pacifiques et intégrés, ni nos autorités ne combattent cette emprise croissante
du religieux sur le séculier. Et une grande partie de l’élite ferme résolument
les yeux.
CERF : Vous
titrez votre livre en parlant de « radicalisme », et vous citez
Chadortt Djavann qui elle parle de « Totalitarisme islamique » :
quelle distinction faite vous entre les deux termes ?
Mireille Vallette : Aucune,
j’utilise aussi l’expression totalitarisme islamique. Les radicaux sotn ceux
qui l’instaurent.
CERF : Vous parlez de certains intellectuels
européens comme des alliés de ce radicalisme, vous employez même le terme de
« collaboration » à propos d’Amnesty international : cette
terminologie n’est elle pas exagérée ?
Mireille Vallette : Amnesty International joue un jeu étrange.
Elle est extraordinairement offensive pour imposer des protections aux
revendications sexistes, telles que port du foulard dans les entreprises, et
lutte contre toute interdiction du niqab. Elle réclame des droits
supplémentaires pour cette population musulmane, et ne critique pas ses idées
intolérantes et ségrégationnistes. Amnesty est clairement un compagnon de route
de l’islamisation de nos sociétés, comme bien d’autres ONG.
CERF : Vous montrez quantité d’actes et de
décisions de soumission aux normes islamiques dans nos sociétés. Pourquoi
aborder la question de l’islam sous cet angle principalement factuel ?
Mireille Vallette : Parce que c’est un exercice nécessaire.
Beaucoup de livres développent d’autre aspects, historiques, idéologiques, centrés
sur tel ou tel pays. Chacun apporte sa pierre au service de cette cause majeure
qu’est la défense de la démocratie. Moi, j’ai un esprit très journalistique,
j’aime les faits, et c’est cette compétence que j’utilise pour alerter sur le
danger qui nous guette.
CERF :
Vous donnez de nombreux exemples de juges et intellectuels
européens qui font prévaloir sur nos droits les plus fondamentaux les règles de
l’islam. Pouvez vous nous donner un exemple qui vous a particulièrement
frappée?
Mireille Vallette : J’en donnerai deux. Celui de
l’autrichienne Elisabeth Sabaaditsch-Wolf, qui a été condamnée pour avoir
« dénigré une croyance », comme l’autorise la législation du pays. Et
celui de ce juge américain musulman qui relaxe l’agresseur, musulman lui aussi,
d’un homme qui s’était déguisé en Mahomet pour Halloween. Non seulement le juge
ne condamne pas, mais il fait tout un sermon à la victime sur le merveilleux
islam qu’elle a méprisé ainsi. Il se trouve que ce déguisé a enregistré le
sermon et l’a diffusé sur Internet.
CERF :
Vous citez aussi des affaires judiciaires, dans lesquels des
musulmans qui enseignent des préceptes coraniques qui ne respectent pas notre
législation humaniste ont été absous. Pensez-vous qu’il serait nécessaire
d’édicter des lois plus dures ou est ce l’application du droit commun
qu’il faut interpréter plus rigoureusement?
Mireille Vallette : Selon moi, si les élites, les partis
progressistes, les médias disaient clairement : le foulard, les cours de
natation non mixtes, etc. sont des revendications sexistes, la demande de
cimetières ou d’écoles musulmans des demandes régressives, ce serait déjà un
très grand pas. Probablement qu’un durcissement des législations serait aussi
bénéfique, mais il faudrait étudier cela de près avec des juristes.
CERF :
Vous parlez de la manière dont on utilise l’étiquette
« extrême-droite » pour empêcher tout débat et ostraciser les
critiques de l’islam et des musulmans intégristes. Pouvez-vous préciser ?
Mireille Vallette : Je viens d’en faire l’expérience à
Genève à propos de ce livre, d’une part dans un quotidien de gauche, d’autre
part dans le journal du Parti socialiste genevois. Des tribunes libres me
taxaient de raciste, fasciste, sectaire, haineuse, et aussi de « soi-disant
féministe ». Ni l’un, ni l’autre de ces organes n’a accepté que je
réponde. On m’avait collé
l’étiquette, le débat était clos. On n’allait tout de même pas donner là parole
à un suppôt d’extrême droite ! En France, le troupeau médiatique est unanime à pratiquer cette
tactique.
CERF :
Vous citez des cas de musulmans aux propos sexistes ou homophobes
qui continuent à être considérés comme des interlocuteurs légitimes par les
autorités. N’y a-t-il pas parallèlement une tendance à l’exclusion,
notamment professionnelle, d’hommes ou de femmes non féministes ou
« LGBT », opposés au droit à l’avortement, au PACS, au mariage et à
l’adoption homosexuels ?
Mireille Vallette : De manière générale, une partie de la
société, notamment de gauche, s’est arrogée l’exclusivité de dire la morale et
le progrès. Seule ses convictions sont acceptables, et elle devient extrêmement
intolérante, exprimant souvent avec la complicité des journalistes, des
jugements sans appel, pour empêcher l’expression des convictions contraires. On l’a vu lors de la manif catholique contre le mariage et
l’adoption gays à Paris où des manifestants attaqués par des femmes demi-nue et hystériques sont
devenus dans toute la presse les agresseurs.
Professionnellement, je pense aussi qu’il devient de plus en plus
difficile d’être engagé dans une administration ou une université en ayant
publiquement défendu certaines convictions. Ça me paraît faire partie de cette
avancée du totalitarisme.
CERF : Des journalistes ont révélé dans des
articles le nom de personnes qui écrivaient sur l’islam sous
pseudonyme : quel
jugement portez vous, en tant que journaliste et socialiste/féministe sur de
telles actions
Mireille Vallette : Ce genre d’actes est indigne et immoral,
et plus encore si l’on considère la conjoncture que je décris dans la réponse
précédente. On met ainsi en danger des personnes qui peuvent voir toute leur
vie professionnelle, voir personnelle, gâchée.
CERF :
Quelle évolution constatez vous entre la situation telle que vous
l’aviez décrite dans votre précédent livre, et la situation actuelle ?
Mireille Vallette : C’est simple: tout s’aggrave…
CERF :
Quelles particularités présente la Suisse par rapport par rapport
aux musulmans radicaux ?
Mireille Vallette : La Suisse n’a pas de ghetto, une
bonne partie de sa population musulmane est une immigration de travail et les
plus nombreux, les albanophones, ne sont pas très pratiquants, ni
fondamentalistes. Mais ces derniers ne s’expriment pas publiquement. J’ai
montré dans mon premier livre, après analyse d’une centaine d’interventions
dans les médias, que tous les responsables, imams et porte-paroles qui
s’expriment dans l’espace public sont intégristes, bien qu’ils tentent de faire
croire le contraire. Et ce sont eux qui
orientent ce qui est enseigné dans les mosquées : détestation de
l’Occident et de ses mœurs, apartheid sexuel, séparation des musulmans du reste
de la population, emprise de l’islam dans l’espace public, etc. Depuis mon
premier livre, nous avons vu l’apparition du Conseil central islamique de
Nicolas Blancho, particulièrement radical. Les autres guides religieux ne
montrent pas une tendance au progrès.