Dr Maurice
BERGER
Août 2003*
Ce texte développe un article paru dans la Revue Dialogue,
2002, n° 155, p. 90-104
Un couple divorce, qui a un bébé. Si, il y a quelques années, la
situation était généralement "réglée" en laissant une place assez
restreinte au père d'une manière qu'on peut qualifier d'injuste, il n'en est
plus de même aujourd'hui. C'est un progrès certain, mais qui est lui-même
porteur de risques importants pour le développement de l'enfant si certaines
précautions ne sont pas respectées, comme nous le constaterons.
C'est pour les nourrissons et les très jeunes enfants, jusqu'à
environ 3 ans, que se posent avec le plus d'acuité les questions suivantes. Le
père peut-il remplacer la mère dans les premières années de la vie de l'enfant,
pendant combien de jours, et à partir de quel âge ? Quel est le rythme de
rencontre nécessaire pour que le père soit une personne signifiante aux yeux de
son enfant ? A partir de quel âge peut-on envisager une garde alternée sans
dommage pour l'enfant ? Il est souhaitable de réfléchir à ces questions en
prenant le point de vue de l'intérêt de l'enfant, hors des mouvements
idéologiques actuels. Ce n'est pas parce que des personnes forment des groupes
de pression qu'elles ont forcément raison, mais peut-être a-t-il fallu la
création de tels groupes pour sortir d'un certain immobilisme.
Si l'on s'en tient aux
connaissances actuelles reconnues par la communauté scientifique, on peut
affirmer que le père a une place spécifique à prendre auprès de son bébé,
importante pour son développement affectif, mais qu'elle n'est pas équivalente
à celle de la mère. Ce n'est pas parce que père et mère ont une égalité de
droit au niveau de l'autorité parentale qu'ils sont à égalité dans le psychisme
du bébé. Ce n'est pas parce que des adultes décident d'exercer différemment
leur rôle parental dans une société en évolution que les besoins relationnels
des bébés changent. Ils sont les mêmes depuis des siècles et demeureront
toujours les mêmes. Et la manière dont la co-parentalité est présentée par
certaines personnalités politiques est incompatible avec plusieurs de ces
besoins essentiels.
Le divorce de parents qui
ont un nourrisson ou un très jeune enfant confronte donc à une sorte de quadrature du cercle, avec des impératifs
partiellement contradictoires.
* Chef de service en
psychiatrie de l'enfant au CHU de St Etienne
Professeur associé de
psychologie de l'enfant à l'Université Lyon II
Membre de la Société
Française de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent
En
effet, cet enfant a besoin, et cela d'autant plus qu'il est plus jeune, de
vivre dans un environnement stable, et en particulier de bénéficier de
la présence continue d'un (ou deux) adulte(s), toujours le (ou les) même(s) ;
les interactions maternelles et paternelles ne sont pas égales mais
complémentaires ; la mère est investie par le bébé comme une personne plus
sécurisante que les autres. Or il apparaît que de plus en plus de juges des
Affaires Familiales ne tiennent pas suffisamment compte de la spécificité de
cette situation, et que le petit enfant ne bénéficie pas du "principe de
précaution" qu'on serait en droit d'attendre dans un tel contexte. Nous ne
pouvons pas jeter aux orties un savoir dont la validité a été vérifiée. Et il
est trop optimiste de compter sur les qualités de résilience du bébé,
c'est-à-dire la capacité de s'adapter à des conditions difficiles, car tous les
enfants petits n'ont pas ces capacités. Et d'ores et déjà, dans notre
pratique, nous constatons l'apparition d'une souffrance psychique parfois très
importante chez les nourrissons soumis à des éloignements répétés et prolongés
d'avec leur mère. Nous pouvons affirmer que la Justice française crée
actuellement une pathologie quasi expérimentale dont les conséquences
apparaîtront dans quelques années. Nous n'avons aucune certitude sur le fait
que ces conséquences seront réversibles ou traitables.
Un détour théorique se
révèle ici inévitable pour comprendre quels sont les enjeux, du point de vue du
bien-être de l'enfant.
I - L'ETABLISSEMENT DU SENTIMENT DE FILIATION SELON LA
THEORIE CLASSIQUE :
Comment un enfant
parvient-il à se sentir être le fils de sa mère et de son père ? Comment un
adulte se sent-il devenir père ou mère d'un enfant ?
L'établissement du
sentiment de filiation passe par deux étapes qui se succèdent tout en se
superposant. La première est la constitution d'un sentiment d'attachement
qui nécessite que se déroulent un certain nombre d'échanges à la fois
corporels, affectifs, relationnels, avec un ou deux adultes, toujours les
mêmes. La deuxième, qui s'étaye sur la première étape, se situe à un
niveau plus mentalisé et permet l'accès à un sentiment de filiation symbolique.
Dans la théorie "classique", la première étape se situait dans un
registre de relation maternelle et la deuxième dans un registre paternel. Nous
allons constater que ce n'est pas aussi simple.
1 - Première étape : le sentiment d'attachement
Il se passe environ deux ans et demi à trois ans avant
qu’un enfant puisse comprendre ce qu’est une filiation, c’est à dire qu’il a
été conçu ou adopté par un couple d’homme et de femme. Un bébé ne sait pas ce
qu’est une descendance, un enfant de dix-huit mois non plus. Mais dès les
premiers jours, un bébé sait reconnaître sa mère parmi d’autres femmes, d’après
son odeur, le son de sa voix, son visage. Il possède des réflexes innés qui ont
pour but de maintenir le contact avec l'autre (même si cet autre n'est pas
encore reconnu comme tel) : réflexes d'agrippement, de succion, certains
pleurs, etc. Il répond par un sourire au sourire de l'adulte dès le vingtième
jour. La reconnaissance du père comme personne bien distincte des autres a lieu
avec un faible décalage par rapport à la mère. Entre le sixième et le huitième
mois, le bébé montre de l’angoisse lorsque ses parents le laissent à des
personnes inconnues, etc. De quel genre de lien s’agit-il ? Il s’agit d'un
processus d’attachement précoce dont on sait maintenant qu’il est fondateur
de la personnalité de l’enfant.
Ce thème a fait l'objet de
très nombreux ouvrage écrits par des spécialistes de notoriété internationale
(R. Spitz, J. Robertson, J. Bowlby, T.G. Bower, S. Lebovici, M. Ainsworth, N.
Main)[1]. Plusieurs de ces travaux ont été
publiés entre 1945 et 1950, et leur validité a donc pu être confirmée avec un
recul suffisant. Ils montrent que l'attachement ne se situe pas dans le
registre de la "sensiblerie", mais correspond à des règles très
précises du développement de la personnalité, même si elles sont susceptibles
de variations individuelles. L'attachement s'établit autour d'un ensemble
d'échanges au cours desquels l'enfant éprouve :
- un apaisement de ses
tensions (comme celles liées à la faim) et de ses besoins de contact,
- un sentiment de sécurité, en
constatant la disponibilité de (ou des) l'adulte responsable de lui, sa
permanence physique et émotionnelle, son adéquation, et à partir de six
mois, sa solidité face à ses mouvements agressifs ou d'opposition[2]. Ce besoin de permanence
concerne aussi les lieux : les bébés ont besoin de repères fixes dans leur
cadre de vie, de "rituels". Le principal moyen qu'un bébé a
d'anticiper est de découvrir les rythmes qui sont à sa portée : le rituel du
bain avec les mêmes gestes, du portage jusqu'à sa chambre, de retrouver le cadre
matériel précis de sa chambre. Certains enfants montrent de l'angoisse
simplement lorsque des meubles sont ôtés de leur chambre. Les sensibilités
individuelles sont ici très variables. Ce besoin de permanence diminue au fur
et à mesure que l'enfant grandit.
- des plaisirs partagés,
plaisir d'être caressé, porté, regardé, plaisir de jouer ensemble. On sait
actuellement que ces moments déterminent en grande partie la capacité d'un
sujet à éprouver et à partager de la joie et du plaisir au cours de son
existence, et à être sociable.
- un sentiment d’estime de soi.
En effet, les parents aiment et admirent leur bébé de manière
“inconditionnelle”, et l’enfant acquiert ainsi le sentiment d'être aimable et
d'avoir une certaine valeur.
- Et, ce qui est plus compliqué, nous savons maintenant que
c’est à partir de ces échanges que le bébé construit son sens de l'identité,
en particulier dans les trois premiers mois. Il a besoin de se servir de
l'adulte responsable de lui, comme modèle, comme double, comme miroir, pour se
construire une image de lui-même. Un bébé, dans les premiers mois de sa vie,
voyant le visage de sa mère, “pense” avoir le même visage qu'elle (Sami-Ali),
il comprend qu’il fait telle mimique parce que ses parents l’imitent avec
plaisir, qu’il vient d’émettre tel son parce que ses parents le répètent, qu’il
vient d’accomplir tel geste parce que ses parents le reproduisent en face de
lui. A cette période, pour l’enfant, "je suis car je suis comme
l’autre", il a besoin de se sentir identique pour se construire son
identité. Ce n'est que petit à petit qu’il se différenciera, qu’il
s’autonomisera, qu’il fera du "un" à partir de deux.
Ainsi, dans ces deux-trois premières
années se construit, de manière plus ou moins solide, le sentiment de pouvoir aimer
et être aimé, et d'avoir une sécurité interne. Ceci nécessite que les parents
aient du plaisir à "faire l'enfant" avec leur bébé, tolèrent de se
soumettre à ses rythmes astreignants, soient sensibles à ses moments de
détresse, et acceptent de sacrifier temporairement certains de leurs intérêts
personnels pour être le plus présent possible.
De nombreux travaux, dont ceux de D. W.
Winnicott, montrent que les expériences physiques et psychiques vécues par la
mère au cours de la grossesse, de l'accouchement, et éventuellement de
l'allaitement, rendent plus facile la constitution de cet attachement, la mère
ayant un niveau de "régression" psychique qui lui permet d'être plus
aisément immédiatement branchée sur "la même longueur d'ondes que son
bébé". En l'absence de sa mère, le petit enfant peut recevoir un maternage
adapté de la part d'un autre adulte, mais une certaine qualité d'échange
corporel et affectif, indispensable et liée à ce vécu biologique commun, en
sera absente (cf. infra).
Signalons au passage que plusieurs
théories sont proposées à propos de l'établissement de ce lien d'attachement.
Pour certains auteurs, le bébé naîtrait avec ce besoin de contact ; pour
d'autres, ce lien se développerait à partir de l'expérience répétée de
satisfaction au cours des échanges. On souligne surtout actuellement que la
nature de ces liens précoces dépend en grande partie des représentations
souvent inconscientes que les parents ont de ce qu'est un lien avec autrui,
représentations qui dépendent de ce qu'ils ont vécu dans leur propre enfance,
et ils peuvent proposer des modalités insatisfaisantes de lien que l'enfant
peut reproduire ensuite avec les autres pendant toute son existence (lien
insécurisant, ou comportant un mélange d'attirance et de rejet, etc.). Une des
formes de lien insatisfaisant et inquiétant est celui au cours duquel la mère
s'absente de manière durable et non maîtrisable, ce qui concerne précisément la
question de l'hébergement de l'enfant chez son père, nous y reviendrons
ultérieurement.
2 - Dans une deuxième étape se construit le
sentiment de filiation symbolique
Dans cette deuxième étape, les
expériences d’identification réciproque entre adulte et enfant, de
ressemblance, prennent un aspect plus mentalisé. Ce niveau de filiation n'est
pas "donné" en soi, il est à construire. Voici quelques grandes
lignes de ce processus.
a)
Le sentiment de filiation n’est pas un lien qui repose sur
des expériences charnelles, il se construit à partir d’expériences plus
abstraites, dans un registre plus symbolique. Mais il ne peut être adéquat
que s’il repose sur des expériences d’attachement suffisamment satisfaisantes.
b) Il ne s’agit pas seulement d’un lien
biologique, mais surtout d’un “contrat narcissique” (P.
Castoriadis-Aulagnier).
Ce terme décrit une anticipation de
l’adulte, qui dès la venue au monde de l’enfant, l’accueille comme faisant
partie intégrante d’une famille, et le reconnaît semblable à soi (il a le nez
de son père, la bouche de sa mère, etc.), et comme un prolongement de soi et de
l’histoire familiale. Dans ce fonctionnement psychique, le parent privilégie
les ressemblances, l'aspect familier, et met au second plan les inévitables
dissemblances, l’aspect “étranger” du nouvel arrivant. L’enfant va être pris
dans le projet de lui faire partager certaines valeurs du groupe familial,
certaines manières d’être, mais sans obligation de similitude totale.
Ce contrat se caractérise par son inconditionnalité
: le parent accepte de considérer que ce qu'il instaure de commun avec son
enfant prime sur les divergences. Quoi que fasse son enfant dans la réalité,
même si cela l’amène en prison, il restera son fils ou sa fille, et
inversement, l’enfant pris dans ce contrat considérera que son père ou sa mère
reste son parent quel que soit le comportement de ce dernier.
c) Ce contrat s’accompagne d’une
prise de position parentale qui se caractérise par plusieurs aspects :
- Le fait de privilégier les
comportements éducatifs sur les comportements pulsionnels. Le parent
contrôle ses pulsions agressives et sexuelles à l’égard de son enfant. En
particulier, il ne le considère pas comme un rival à soumettre, même si des
sentiments de rivalité sont présents de part et d’autre. Le parent ne considère
pas non plus son enfant comme une source potentielle de plaisirs sexuels[3]. Ceci garantit à l’enfant
qu’il va pouvoir jouer et élaborer ses propres mouvements de violence et de
séduction avec ses parents sans risque qu’ils ne prennent une dimension de
réalité.
- Par ce renoncement pulsionnel sexuel, le
parent impose à son enfant le fait qu’il existe une différence des sexes et
aussi des générations : la sexualité ne peut avoir lieu qu’entre parents et
non pas entre parent et enfants, seul les parents peuvent faire des enfants, et
cela parce qu'ils sont un homme et une femme qui se désirent et parce que la
sexualité ne peut avoir lieu qu’à l’âge adulte. L’enfant, parce qu’il est un
enfant, et, de plus leur enfant, ne peut qu’être exclu de cette scène sexuelle.
On peut aussi dire que la mère, en désignant le père comme objet de son désir,
indique à l’enfant qu’il ne peut pas être tout pour elle, qu’il ne peut pas la
combler totalement.
Cet ensemble de relations, fortement
“conflictuelles”, fait passer l’enfant d’une relation à prédominance
maternelle à une relation manifestement à trois.
- La position parentale comprend un
désir et un plaisir de transmettre (G. Rosolato), de donner à l’autre ce
que l’on a reçu, ou créé soi-même, sans en attendre de dépendance ni
d’allégeance : l’enfant fera ce qu’il veut de ce qu’il a reçu, et dans un
processus de filiation satisfaisant, il exprimera sa dette sous la forme d’un
sentiment de gratitude.
- Le parent endosse la responsabilité
de la procréation, même s’il n’est capable de l’assurer que financièrement
et pas affectivement. Cette responsabilité n’est pas un droit de possession ou
d’emprise sur l’enfant.
d) Pour les deux parents,
ce désir d'instaurer une filiation se fait en référence à leur histoire
personnelle. C'est cette histoire passée, cette enfance du parent, qui fait
qu’il va éprouver du plaisir (ou non) à occuper maintenant une place de père ou
de mère, et à revivre par identification avec son enfant le plaisir qu’il a
éprouvé lui-même enfant à avoir un père ou une mère qui s’occupait de lui.
J. Le Camus souligne avec justesse
que de nombreux psychanalystes ont considéré que le premier temps, qui passe
essentiellement par des expériences corporelles et bien sûr affectives,
correspond au rôle de la mère, le père intervenant éventuellement comme double
ou comme substitut de la mère, et que la deuxième phase est plus
"d'essence paternelle", une fois passé "l'âge de la mère",
avec une ouverture de la relation duelle mère-enfant. On a aussi beaucoup écrit que la place du
père était celle "désignée" à l'enfant par la mère, qu'elle dépendait
de la place du père dans le psychisme de la mère. J. Le Camus montre que
ces points de vue doivent être fortement relativisés : oui, la mère demeure la
personne qui procure le plus de sécurité à l'enfant (cf. infra), mais le père a
très tôt dans l'histoire du bébé une place différente de celle de la mère, non
dépendante de cette dernière, spécifique.
L'ensemble des notions que
nous allons citer maintenant sont extraites des travaux de J. Le Camus et de C.
Zaouche-Gaudron. Il s'agit de leurs recherches personnelles, ou d'autres
recherches que ces auteurs ont recensées.
II – Différence
entre les échanges mère-bébé/père-bébé
De nombreux travaux
montrent que "l'enfant est non seulement sensible à la présence et à
l'influence de son père dès l'aube de la vie, mais aussi capable de
l'influencer en retour dans leurs rapports interpersonnels" (J. Le Camus).
Ces travaux soulignent que père et mère proposent aux bébés un style d'échange
différent et complémentaire, dialogue tonique pour la mère, phasique pour le
père.
1) Schématiquement, les
mères proposent un dialogue dit "tonique", émotionnel, qui met en
jeu un langage préverbal constitué de vocalisations, de mimiques, de postures.
C'est par la voix, le sourire, le soutien physique, que la mère exprime sa
sollicitude à l'enfant et contribue à faire naître chez ce dernier les
sentiments originels de confiance, de sécurité, et de continuité d'existence.
C'est prioritairement par l'intermédiaire des variations de tension musculaire
inscrites sur son corps et sur son visage que le nourrisson exprime ses besoins
(hypertonus de la faim ou de l'inconfort ; détente de la satisfaction). Les
vécus originels de bien-être et de mal-être, de quiétude et de déplaisir, se
traduisent par des modulations du tonus musculaire et des échanges passant par
cet intermédiaire.
On estime aujourd'hui que
ce dialogue tonique désigne en fait trois modalités d'échange : la
communication intra-utérine, les contacts peau à peau et corps à corps, les
échanges verbaux à distance. Certains auteurs estiment que l'amorçage du
dialogue tonique mère-enfant commence dès le cinquième mois de la vie
intra-utérine, et que de ce fait la mère a une avance (A. Naouri). Dans le
cadre de la communication à distance, les mères favorisent les échanges par le
canal visuel. La durée moyenne des regards que le bébé dirige vers l'adulte est
systématiquement à l'avantage de la mère alors que la durée relative des jeux
entre adultes et enfant est en faveur du père.
2) Les pères sont plus
volontiers dans un échange dit "dialogue phasique", c'est-à-dire
dans un échange "plus physique", plus stimulant, de nature
discontinue, avec des moments émotionnels privilégiés plus intenses, ceci dès
la fin du premier mois (soulever le bébé dans les airs, etc.). Ils ont une
motricité plus expansive avec leur enfant alors que la mère réveille davantage
les émotions par des expressions faciales.
Le dialogue mère-enfant
est donc davantage lié à l'expression des émotions, il est plus dans le
registre du soin, de la tendresse, du réconfort, de la protection, alors que le
dialogue père-enfant apparaît plus adapté à l'ouverture sur l'environnement,
même si les pères peuvent être protecteurs. Ainsi les pères utilisent un
vocabulaire plus technique (par exemple avec des bébés âgés de treize mois, les
pères font la distinction entre des animaux sauvages trouvés en Afrique
(tigres, léopards) et les animaux domestiques (chiens, chats) alors que les
mères se montreraient plus disposées à faciliter la compréhension du bébé en
recourant à des termes plus communs, ceux des animaux familiers. Pour les
pères, le respect des conventions linguistiques peut passer avant le souci de
se faire comprendre. Les pères se révèlent donc des interlocuteurs plus
difficiles que les mères, et des études montrent que les enfants sont plus sûrs
d'être compris par leur mère. Les pères sont plus directifs, demandent plus la
réalisation de tâches, font plus de jeux passant par le canal tactile et par le
mouvement, proposent plus de jeux non conventionnels que la mère, taquinent
volontiers l'enfant, se montrent plus "déstabilisateurs", proposent
plus à l'enfant des "problèmes" à résoudre, les mettent plus au défi.
Ils poussent plus leur enfant à résoudre les tâches par lui-même et portent plus
l'accent sur comment l'enfant va parvenir à résoudre le problème que sur
l'aboutissement. On considère que le père renforce le sentiment et le pouvoir
de maîtrise de l'enfant. Il l'accompagne vers la conscience de son pouvoir de
progrès, galvanise l'estime et l'affirmation de soi et le sentiment qu'a
l'enfant d'être cause, d'être capable de faire, de prendre des initiatives, de
s'aventurer, de se mesurer à l'obstacle, ce qui amène les chercheurs à
qualifier le père de "catalyseur de prise de risques". Par son action
dynamisante, le père facilite l'indispensable détachement du bébé depuis l'état
symbiotique originel jusqu'à l'émergence du sentiment d'une existence distincte
de l'existence des autres. Il contribue donc de manière importante à
l'autonomisation de l'enfant. Ainsi à trois mois, les pères utilisent trois
fois plus que les mères le prénom du bébé.
Il faut ajouter à cela la
contribution du père à la construction de l'identité sexuée. Le bébé vit des
expériences différentes avec sa mère et son père. Ils n'ont pas la même odeur,
n'ont pas la même voix, pas le même visage, pas le même grain de peau, pas la
même consistance musculaire, et on sait que les bébés ont les capacités de
percevoir ces différences. Mais aussi, les pères, comme les mères, perçoivent
et qualifient différemment les bébés selon qu'il s'agit d'un garçon ou d'une
fille.
Au niveau des
apprentissages, de nombreuses études ont montré que les enfants qui avaient
bénéficié de contacts fréquents avec leur père se montraient plus performants
sur le plan de la vocalisation et du contrôle oculo-manuel, plus ouvert au
monde environnant, et moins dépendant de l'adulte. Ils font plus de
manipulations que les autres lorsqu'un nouveau jouet leur est offert, comme
s'ils préféraient les situations nouvelles aux situations anciennes, etc. Mais
ceci n'est repérable que si le père a une attitude qui se différencie de celle
de la mère.
Enfin, on considère que
les pères contribuent à la socialisation très précocement. Ainsi les jeux
physiques précoces préfigurent la régulation des conduites agressives
ultérieures, en particulier au travers de la gestion des jeux futurs avec les
pairs (Labrell). Le père est aussi celui qui peut dire non en priorité à la
poursuite injustifiée de la symbiose avec la mère.
Bref, ce que montrent les
recherches, c'est que le père, même s'il peut jouer un rôle protecteur, n'est
pas la mère-bis, le bébé est confronté d'emblée à une "altérité", il
vit des expériences qui sont différentes et complémentaires avec son père et sa
mère.
Les deux parents ne
sont donc pas équivalents dans le registre émotionnel et comportemental. Il est à noter à ce propos l'évolution de M.E. Lamb, un
des spécialistes les plus connus de la relation père-bébé : entre 1975 et 1980,
il affirmait que les deux parents étaient équivalents dans le registre
émotionnel et comportemental, puis ses travaux que nous allons évoquer
maintenant l'ont amené à modifier sa position. En particulier, il a montré que
la mère demeurait la figure d'attachement préférentielle.
III – La mère, figure
d'attachement préférentielle.
Comme nous l'avons dit
auparavant, il est indispensable qu'un bébé, pour son développement psychique,
bénéficie d'un ou de deux adultes représentant des figures d'attachement
stables et fiables. Mais la question qui vient alors est de savoir si ce rôle
doit être forcément dévolu à la mère ou si l'enfant peut bénéficier de deux
adultes différents, ne vivant pas ensemble, comme figure d'attachement, tous
les deux ayant la même qualité sécurisante. Il est important de souligner ces
théories successives car volontairement, par idéologie et souvent avec mauvaise
foi plus que par ignorance, de nombreux protagonistes impliqués dans ces
situations, n'hésitent pas à trier et à ne retenir que les éléments qui vont
dans le sens de leurs désirs, ou de leurs passions, ou de leur haine, ou de
leur tentative d'atténuer leur souffrance. On peut dire que les idées à ce
propos ont évoluées de la manière suivante.
Dans un premier temps, les théoriciens "classiques", qui n'intégraient
que peu le père dans leur représentation des soins au bébé, ont souligné
essentiellement l'importance de la présence la plus continue possible de la
mère. Winnicott l'indique dans une formule "x + y + z". Il souligne
par-là qu'un bébé est capable de garder en mémoire l'image de sa mère pendant
un temps x, puis, si elle est absente, il ressent un état de détresse qui peut
entraîner des troubles psychiques et des troubles du comportement durables
(angoisse, instabilité psychomotrice, agressivité, crainte de toute séparation
même brève, etc.). Lorsque l'enfant grandit, il est capable de garder l'image
de sa mère pendant un temps plus long x + y, etc. La quantité de temps pendant
laquelle un enfant peut ne pas être angoissé en l'absence de sa mère parce
qu'il en garde une image sécurisante est donc limitée lorsqu'il est très petit
puis va progresser, ce qui est fondamental pour déterminer la durée des temps
d'absence maternelle. Cette angoisse liée à l'absence de la mère prend une
autre forme tout aussi intense entre six et dix huit mois, nous y reviendrons.
Deuxième temps, les travaux de R. Schaffer et P.E. Emerson en 1964
montrèrent que les bébés étaient capables de nouer plusieurs attachements, cinq
ou plus (à la mère, au père, à un grand parent, à un autre enfant). Puis des
méthodes d'observation très rigoureuses à partir de 1970 mirent en évidence que
le bébé pouvait établir un attachement précoce à son père. Dans ces travaux, le
critère de l'existence d'une relation d'attachement à une personne relève de la
même définition pour tous les auteurs : l'enfant manifeste des signes de
désappointement (moue, pleurs, cris de détresse) quand cette personne le quitte
ou fait défaut ("la strange situation"), et des signes de
contentement (sourire, approche, accolade) quand la personne réapparaît et
reste disponible. Bowlby lui-même, qui a été un des tenants les plus importants
de l'importance de l'attachement à la mère pour le bébé, modifiera son point de
vue en indiquant que les bébés peuvent avoir effectivement plusieurs attachements,
mais il préféra utiliser le terme de hiérarchie en maintenant l'idée d'une
figure principale d'attachement (la mère ou le substitut maternel) au terme de
multiplicité de figures d'attachement.
Mais, troisième temps,
les travaux de Lamb en 1983 aboutissent à des résultats étonnants, montrant
qu'on ne peut pas se contenter de la conception "attachementiste",
c'est-à-dire de l'idée que la quantité de présence est le facteur prédominant
dans l'attachement. Lamb a ainsi montré que les enfants suédois élevés
prioritairement par leur père, souvent du fait de la profession de la mère,
manifestaient une préférence pour leur mère dans une situation
"étrange", comme la présence d'un visiteur inconnu. Ceci était très
net de l'âge de huit mois à l'âge de seize mois. Le comportement des enfants
était le même que dans les familles où c'était la mère qui était la principale
personne qui donnait les soins à l'enfant. On peut donc dire que si le père
occupe bel et bien une position de figure d'attachement, l'enfant préfère
cependant la "base de sécurité" maternelle en cas de détresse. La
mère est donc "supérieure au père" dans ce registre, et répétons
qu'il s'agit d'une surprise par rapport aux théories de l'attachement. La
demande de protection reste en faveur de la mère, et ce d'autant plus que la
situation se fait plus contraignante pour l'enfant. Aucun autre travail n'est
venu démentir ces conclusions depuis.
Comment expliquer ces
faits qu'on ne peut nier ? On peut émettre
un ensemble d'hypothèses. La participation habituellement plus importante de la
mère aux soins précoces est un facteur important, mais elle est insuffisante
pour expliquer les faits constatés par Lamb. Peut-être s'agit-il d'un
comportement génétiquement programmé. Il est aussi possible que ceci soit la
conséquence de la relation particulière qui s'installe au cours de la
grossesse. Ainsi on a prouvé que les fœtus réagissaient aux mouvements
émotionnels de leur mère, avec une augmentation extrême de l'activité motrice
du fœtus lorsque la mère subit un traumatisme psychique par exemple. On sait
aussi que les fœtus peuvent éprouver des émotions (vagissements du fœtus dans
l'utérus, et même pleurs). D'autres travaux ont montré que le nouveau-né est
capable de reconnaître la voix de sa mère parmi d'autres voix de femmes, mais
pas celle de son père parmi les voix d'autres hommes. Au moment de la
naissance, l'enfant ne montre aucune préférence pour la voix de son père, et
l'écoute néonatale de la voix du père n'est pas susceptible de modifier ce résultat
négatif : au bout d'une série de sept séances quotidiennes, les bébés ne sont
pas capables de discriminer la voix de leur père parmi les voix d'autres pères.
La voix du père n'a donc pas acquis de familiarité pour le fœtus ni pour le
nouveau-né (De Casper). On sait aussi qu'à trois jours, un nourrisson fait la
différence entre l'odeur du sein de sa propre mère et celle du sein d'une autre
mère. Il reconnaît aussi clairement l'odeur du cou de sa mère par rapport à
celle d'autres femmes. Cet attachement est favorisé par l'expérience de
l'accouchement, et de l'allaitement au cours duquel l'échange des regards
mère-bébé est particulièrement intense. Le bébé boit autant le visage de sa
mère que son lait.
Enfin les travaux très
connus de très nombreux auteurs américains (Klauss et Kennel, etc.) montrent
que le fait qu'un bébé soit laissé nu contre le corps de sa mère pendant une
période de 15 minutes ou plus dans la phase qui suit l'accouchement, déclenche
des comportements d'attachement durables entre mère et bébé. Après quelques
mois, en comparant un groupe de mères qui a bénéficié d'un tel corps à corps
avec un autre groupe où le bébé était rapidement séparé de la mère après la
naissance, les résultats ont montré que l'attachement mère-nourrisson après quelques
mois, évalué à partir de critères telle que la proximité physique, les regards
mutuels, l'âge jusqu'où était prolongé l'allaitement au sein, était mieux
établi dans le groupe ayant bénéficié initialement de périodes de contact
supplémentaires. Il existe dès les premières heures suivant la naissance une
"période sensible" où la mère est particulièrement apte à constituer
un lien d'attachement avec le bébé.
Vouloir ignorer l'ensemble
de ces travaux en écrivant par exemple, et comme le fait un juge des Affaires
Familiales à propos d'un nourrisson, que "les structures mentales du père
occupent dans la construction psychique de l'enfant, une place aussi importante
que celle de la mère" revient à faire de la mère "une mère
porteuse", un utérus loué temporairement, et une citerne de lait. Ce
discours est en même temps représentatif d'un mouvement idéologique qui cherche
à annuler dans la société les différences
entre les sexes, les rôles, les places, et les tensions saines et
inévitables que cela génère.
Ce qu'on sait aussi, c'est
que l'inquiétude concernant la séparation d'avec la mère et la présence de
visages étrangers se complexifie et augmente d'intensité entre six et dix huit
mois. De nombreux travaux proposent des explications qui tournent autour du
fait qu'à cette période, l'enfant commence à se différencier clairement de sa
mère, à se ressentir comme un sujet à part entière, et en éprouve en même temps
de l'inquiétude. Inquiétude parce qu'il commence à éprouver des sentiments
ambivalents à l'égard de sa mère, avec certains désirs d'indépendance et des
mouvements agressifs. Ceci se manifeste par le refus d'être nourri à la petite
cuillère, l'enfant voulant s'en servir tout seul, le fait de tirer très
volontairement les cheveux de la mère, etc. En même temps, le bébé éprouve une
certaine culpabilité en ayant peur de n'avoir abîmé sa mère et de ne l'avoir
détruite si elle s'absente à ce moment, ou que son départ ne soit une
manifestation de représailles de sa part.
D'autres travaux
soulignent qu'à cette période, l'enfant commence à constater que son visage est
différent de celui de sa mère, mais au début de ce processus, il ne s'est pas
encore construit complètement la représentation de son propre visage. En
présence de visages étrangers, il ne sait plus à qui il ressemble et éprouve un
sentiment angoissant de "dépersonnalisation passagère" (Sami Ali). Ce
sentiment disparaît lorsque l'enfant reconnaît clairement son visage devant le
miroir comme bien distinct de celui de sa mère. Il se produit encore de
nombreux autres processus à cette période, qui constitue un moment essentiel
pour l'organisation psychique de l'enfant, et qui, par-là même, est une période
de très grande vulnérabilité.
J. Le Camus ajoute qu'il
faut complexifier les remarques précédentes par le fait que chaque enfant a une
histoire singulière avec chaque parent et que le tempérament personnel de
l'enfant intervient aussi.
IV - Conséquences
sur l'attribution du mode de garde.
1) Dans l'état actuel de
nos connaissances résumées ci-dessus, nous pensons qu'il est nécessaire d'être
très prudent dans les décisions judiciaires concernant les bébés et de ne pas
jouer aux apprentis sorciers. Nous ne pouvons pas ignorer les nombreux travaux
concernant la vulnérabilité du nourrisson et la spécificité de la relation
qu'il noue avec sa mère. Un principe essentiel devrait être d'éviter les
séparations mère-bébé répétées prolongées[4]. La plupart des
bébés sont soumis à des absences de la part de leur mère, brèves dans les
premiers mois, puis plus longues en particulier si la mère reprend son activité
professionnelle dans la journée. Mais les séparations prolongées répétées sur
un week-end sont proches de "la zone du traumatisme psychique", ou
franchement dans cette zone, d'autant plus qu'en cas de divorce, le bébé change
aussi de cadre à l'occasion de la séparation : ce n'est plus le même lit, la
même chambre, etc. Et nous pouvons affirmer qu'il peut être nocif pour un
nourrisson de passer une semaine ou plus éloigné de sa mère avant l'âge de
deux ans, encore plus si cela se produit de manière répétée[5].
2) En même temps, si le
père investit son bébé, ce qui est évidement souhaitable, il faut qu'il puisse
le voir suffisamment souvent pour être bien identifié, signifiant pour
l'enfant. C'est ce qu'on peut dire à partir du fonctionnement psychique du
nourrisson. Un autre point de vue doit aussi être pris en compte, celui du
père. Il n'y a pas de raison pour qu'il soit privé du plaisir de voir son bébé
faire des progrès, de s'en occuper, de jouer avec lui. La souffrance du père
confronté à l'absence de son enfant ne doit pas être sous-estimée. Il ne
reste alors qu'une solution : le fractionnement évolutif des temps
d'hébergement chez le père. Par évolutif, nous voulons dire qu'avec un
bébé, on compte en mois : l'enfant n'a pas la même tolérance à l'absence
maternelle à deux mois, à quatre mois, à six mois, etc. Le fractionnement
évolutif est un mode de fonctionnement lourd pour tout le monde, mais il en
vaut vraiment la peine. Il est lourd pour les magistrats car il leur demande de
ne pas utiliser le prêt à porter habituel (un week-end sur deux plus
éventuellement une demi-journée dans la semaine, et la moitié des vacances
scolaires), d'entrer dans une description du droit de garde détaillée et
changeante au fil des mois, et si besoin de réévaluer la situation à
intervalles réguliers. Mais on peut imaginer qu'en contrepartie, ceci peut
constituer un aspect particulièrement intéressant de leur travail.
Notre expérience nous
montre que les décisions les plus inadaptées se produisent lorsque la
fonction parentale est traitée comme un concept général, "les droits du
père", "les droits de la mère", ceci pour deux raisons. Tout
d'abord, tout dispositif qui se décentre des besoins émotionnels de l'enfant en
fonction de son âge est porteur de risques. Ensuite, un père et une mère
n'existent pas "en soi", il n'existe que des pères et des mères
particuliers qui ont constitué des couples particuliers et qui se séparent tous
d'une manière différente. Les aménagements envisageables sont alors variables
suivant les situations. Un père qui s'est occupé de son bébé depuis sa
naissance, et qui l'a gardé lorsque son épouse devait s'absenter certaines
nuits du fait de son travail, peut le garder un week-end sur deux incluant une
seule nuit, si les deux parents sont capables en la circonstance de faire
passer leurs désaccords d'adultes au second plan ; tel autre père, qui
souhaiterait passer voir son bébé plusieurs soirs par semaine chez la mère de
l'enfant, ne le peut pas car cette dernière, encore amoureuse de lui, utilise
ce moment pour tenter de renouer une relation de couple ; tel autre homme
surgit dans la vie de l'enfant lorsqu'il a six mois, brandissant ses droits de
père sans tenir compte du fait qu'il est un étranger pour son bébé. Telle mère
n'a utilisé un homme que comme "fécondateur", puis emploie tous les
subterfuges pour éviter les visites du père, lesquelles, lorsqu'elles seront
imposées par le juge, seront chargées d'angoisse pour le bébé. Enfin un père peut
devenir violent à l'égard de son épouse dès qu'elle devient une mère : le seul
dispositif envisageable consiste alors en des visites médiatisées, qui se
déroulent en présence d'une tierce personne dans un lieu institutionnel et ceci
seulement une heure par mois, etc. La difficulté est d'adapter une loi générale
faite pour tous à autant de cas particuliers.
Ce dispositif est lourd
aussi au niveau des parents. La mère doit rendre son bébé disponible pour son
père deux ou trois fois par semaine, chaque fois plusieurs heures. Elle ne peut
pas partir en vacances de manière prolongée. Il en est de même du père qui doit
aménager ses horaires de travail en conséquence et qui doit renoncer à prendre
son enfant la nuit pendant une période que nous évaluons à environ deux ans,
cette durée dépendant de la personnalité du bébé, de sa manière de réagir, et
de la manière dont le père s'est impliqué dans les soins dès la naissance de
l'enfant. Mais n'est-ce pas aux adultes de s'adapter à l'enfant, et non
l'inverse ?
3) Les dégâts. Ces
précautions sont de moins en moins respectées. La situation de nombreux bébé
est devenue dramatique du fait de décisions judiciaires ordonnant de longues
séparations (un mois entier pour un enfant de douze mois par exemple) et d'un
glissement vers des demandes paternelles de garde alternée de plus en plus
précoce. Certains pères diront que tout se passe bien avec leur bébé qu'ils
gardent un week-end sur deux. Tant mieux, mais nous avons souvent constaté
l'inverse. Nous avons vu des pères ramener des bébés épuisés, ou angoissés,
ayant refusé tout goûter, n'ayant pas réussi à faire suffisamment les siestes
qui leur sont indispensables dans la journée. Bref, on a à faire à des bébés
"déréglés" auxquels on a demandé un effort d'adaptation excessif. Et
il faut dire que les juges des Affaires familiales, lorsqu'ils ordonnent des
décisions de séparation prolongée, ignorent avec quelle fréquence ces séjours
sont raccourcis par le père lui-même parce que l'enfant va mal psychiquement.
Tout le monde est perdant.
La mère d'abord, parce
qu'au retour des moments passés chez le père, le bébé lui fait payer son
absence dont il la rend bien sûr responsable : il refuse activement de la
regarder, de lui sourire, et de lui montrer qu'il la reconnaît. Parfois même,
l'enfant s'est tenu à peu près tranquille avec son père, mais si on analyse
plus finement la situation, on se rend compte qu'il a surtout été passif, s'est
soumis pendant cette situation inquiétante qu'il ne maîtrisait aucunement, et
ne montre son malaise que lorsqu'il est en présence de sa mère.
Le père ensuite, qui ne se
rend souvent pas compte qu'en imposant à son enfant une séparation trop longue
d'avec sa mère, il devient lui-même un intrus, il bascule du familier à
l'étranger inquiétant, et il détériore la relation qu'il a avec son enfant.
Ainsi, dans une situation où le père était très adéquat dans sa manière de
s'occuper de son nourrisson de quatorze mois, le dispositif de garde alternée
exigé par lui, une semaine sur deux, chaque parent prenant en plus l'enfant un
soir jusqu'au lendemain matin pendant la semaine où il n'en avait pas la garde,
a amené le résultat suivant : dès qu'il a su parler, l'enfant a dit qu'il
refusait d'aller avec son père, en criant "non, pas papa", mettant
aussi la mère dans une situation délicate. Ce refus aurait pu être évité avec
des temps d'éloignement de la mère bien inférieurs. Comment convaincre les
pères du bénéfice qu'ils tireront s'ils parviennent à attendre, ce qui ne
signifie pas à s'effacer ? Ils auront toute leur place de père un peu plus
tard, et elle sera d'autant plus appréciée par leur enfant qu'elle ne sera pas
infiltrée par un passif inquiétant.
L'enfant enfin, car les
nourrissons à propos desquels les mères viennent demander conseil au
psychologue ou au pédopsychiatre sont dans un état inquiétant :
-
apparition d'angoisses
d'abandon qui n'existaient pas auparavant, ces enfants ne supportant plus
l'éloignement de leur mère et demandant à être en permanence en contact avec
elle,
-
sentiment
d'insécurité,
-
sentiment dépressif
avec des périodes d'anorexie, pouvant aboutir à une attitude de résignation
avec repli sur soi et regard vide,
-
troubles du sommeil
(difficultés d'endormissement, réveils nocturnes).
-
agressivité,
-
apparition de troubles
cutanés de type eczéma,
-
perte de confiance
dans les adultes, en particulier dans le père, dont la vision déclenche une
réaction de refus, etc…
Les auteurs spécialistes
des problèmes liés aux séparations précoces indiquent que lorsqu'un enfant vit
une modalité d'attachement à sa mère qui est interrompue trop longtemps ou de
manière répétée, l'insécurité et les angoisses pathologiques qui en découlent,
s'installent de manière durable et fixe pour le restant de l'existence et se
retrouvent à l'adolescence et à l'âge adulte. L'absence de sécurité interne
peut être, aussi, à l'origine d'épisodes dépressifs et de comportements
toxicomaniaques. Il est consternant de voir réapparaître des troubles que
l'on avait réussis à éradiquer de notre pays notamment grâce à l'action des
fondateurs de la pédopsychiatrie moderne à partir des années cinquante. En
ne respectant pas un minimum de précautions, l'application actuelle de la loi
du 4 mars 2002 crée des maladies quasi expérimentales chez l'enfant.
Elle se trouve donc dévoyée de son intention initiale qui était de permettre à
un enfant de maintenir des relations personnelles régulières avec ses deux
parents. Un nourrisson qui ne voit pas sa mère pendant un mois est un bébé qui
a perdu sa mère car il n'a pas la capacité d'en garder la représentation ni de
comprendre la séparation. Ce système peut se pervertir lorsqu'il va jusqu'à
désigner comme une angoisse pathologique l'inquiétude légitime de la mère face
à l'effet de telles décisions sur son enfant. Voici l'extrait d'une décision
judiciaire d'attribution d'un mois de garde l'été pour une fillette de dix neuf
mois : "Il est nécessaire que l'enfant soit le plus vite possible
confronté à une séparation d'avec sa mère afin d'établir avec son père une
relation vraie et complète qui n'est pas possible actuellement, compte tenu des
périodes trop courtes pendant lesquelles il le voit et de l'angoisse évidente
de sa mère". Dans ce cas, les périodes "trop courtes" duraient
déjà neuf jours depuis l'âge de neuf mois, et le juge a refusé la demande de la
mère, à savoir un fractionnement des vacances d'été en quatre fois une semaine
en alternance pour chaque parent.
4) Le problème du
cortisol. Depuis 1996, un nombre important de travaux scientifiques
montrent que les bébés et les jeunes enfants soumis à un stress chronique ont
un taux de cortisol sanguin et donc salivaire nettement supérieur à celui des
enfants élevés dans un environnement stable. Ces études précises, réalisées à
partir des divers dispositifs d'imageries cérébrales, mettent aussi en évidence
que sous l'effet de l'augmentation du cortisol, certaines zones cérébrales se
développent moins bien que normalement. Les principales zones touchées sont
l'hippocampe et le système limbique qui présentent un volume inférieur de 10 à
15 % par rapport à la normale au niveau quantitatif. Au niveau qualitatif, les
neurones présentent une rareté des dendrites qui amènent un disfonctionnement
au niveau synaptique. Si le taux de cortisol est constamment élevé, cette
atteinte cérébrale, réversible pendant quelques mois, devient définitive.
Ces zones cérébrales sont
celles qui concernent la mémoire affective et les comportements d'attachement à
autrui. Une atteinte de cette zone peut être à l'origine de la fixation de
sentiments de peur et d'angoisse pathologiques. Les autres effets de cette
augmentation anormale du cortisol sont encore à découvrir.
Question : pourquoi ne pas
faire une recherche comparant le taux de cortisol salivaire (prélèvement
indolore par une pipette ou un coton-tige) des nourrissons en résidence
alternée, avec celui des nourrissons en résidence principale chez leur mère
(cf. infra) ?
V - DEFORMATIONS, MENSONGES, TRICHERIE.
On peut dire que la loi
du 04 mars 2002 contient une contradiction interne. En effet, dans l'article
376-2-6, il est indiqué que les décisions doivent être prises dans l'intérêt de
l'enfant, alors que dans l'article 373-2-9, la garde alternée est proposée sans
tenir compte de l'âge. Certes dans
l'article 373-2-10, il est précisé qu'une expertise peut "éventuellement
être effectuée, tenant compte notamment de l'âge de l'enfant". Mais dans
aucune des situations citées ci-dessus que nous avons reçues en consultation,
le juge n'avait estimé nécessaire de demander l'avis d'un expert malgré le très
jeune âge des enfants.
C'est avec étonnement
qu'on constate comment différentes "méthodes" sont utilisées avec un
aplomb tranquille pour justifier les séparations prolongées et répétées d'avec
la mère.
1) Tout d'abord, un
certain nombre de travaux scientifiques sont cités de manière tronquée.
Ainsi, les travaux de Lamb ne sont cités que jusqu'en 1980, mais ses travaux
ultérieurs de 1983, montrant que la mère demeure la personne de référence
principale et indispensable pour fournir au nourrisson un sentiment de
sécurité, ne sont pas évoqués. La thèse de médecine de N. Prieto consacrée à la
garde alternée est beaucoup plus prudente et nuancée que ce qu'on lui fait dire
: elle ne concerne que des enfants de plus de six ans (il n'y a pas d'entretien
avec l'enfant de deux ans dix mois impliqué dans ce travail, alors qu'il y en a
avec les enfants de plus de six ans), et elle souligne que les études
canadiennes et américaines ne sont pas aussi absolument favorables à la mise en
place d'une garde alternée que ce qui est affirmé habituellement. Ou encore,
certains Etats américains sont cités comme favorables à la garde alternée, sans
donner de précision d'âge, et surtout sans indiquer que la situation est
différente dans d'autres Etats américains, comme celui de Washington, où des
tribunaux considèrent que si les contacts avec le père sont préconisés, ce
n'est qu'à partir de trois ans qu'un enfant peut passer un week-end chez le
parent avec lequel il n'habite pas, ceci étant à moduler selon les familles.
Quant à Brazelton (créateur de l'Echelle d'évaluation du comportement des
nouveau-nés) et Greenspan, deux pédopsychiatres américains spécialistes de la
petite enfance dont le sérieux est mondialement reconnu et qui préconisent la
même prudence en proposant un calendrier progressif très précis, sont soit non
cités, soit cités de manière incomplète, uniquement lorsqu'ils évoquent
l'attachement entre le bébé et son père. On se trouve donc devant une
authentique tricherie scientifique.
Plus proche de nous, les
travaux qui sont le plus souvent cités comme étant en faveur de la garde
alternée y compris chez les bébés, sont ceux de Gérard Poussin, professeur de
psychologie, un des chercheurs qui a le plus travaillé sur cette question en
France. Il nous est donc apparu nécessaire de le solliciter directement pour
connaître ses positions, qui sont à la fois précises, argumentées et nuancées.
Voici quelques extraits de sa réponse (datée du 01/07/2002).
"J'ai en effet été parmi les rares
psychologues à ne pas faire chorus sur la prétendue nocivité de ce mode de
résidence. Mais j'ai toujours précisé que cela impliquait des conditions
particulières et que la résidence alternée, si elle n'était pas la calamité que
certains ont prétendue, n'était pas non plus la solution à toutes les disputes
autour de la résidence principale de l'enfant en cas de séparation des parents.
Les conditions que j'ai mises en avant
sont en premier lieu de nature géographique. Ce mode de résidence nécessite de
façon impérative que les parents n'habitent pas trop loin l'un de l'autre. Il
faut en particulier que l'enfant puisse être dans la même école toute l'année
sans avoir des temps de transport du domicile à l'école trop important.
La seconde condition est le niveau du
conflit parental. Les études sont un peu contradictoires. Certains observent
une baisse des retours devant le juge en cas de résidence alternée (Steinman et
al. 1981) et de meilleures performances chez les enfants en résidence alternée
(Shiller, 1986). Mais d'autres (Johnston et al. 1989) montrent au contraire que
les couples en résidence alternée imposée
sont plus conflictuels que les autres. Comme toutes les études en revanche
s'accordent à considérer que le niveau élevé de conflit est la cause principale
des troubles chez les enfants, cela conduirait à conclure à ce que la résidence
alternée ne soit prescrite qu'en cas d'accord minimum entre les parents sur le
plan éducatif. De fait Johnston et al. (1989) constatent que les enfants qui
ont le plus de contacts avec les deux parents sont aussi les plus perturbés. Il
est donc difficile de trancher sur ce point car il ne faut pas favoriser les
situations qui occasionnent le plus de disputes en présence de l'enfant, mais
il ne faudrait pas non plus donner une sorte de "prime" au parent qui
attise le conflit en lui accordant l'hébergement principal.
La dernière condition est une condition
d'âge de l'enfant. Je n'arrête pas de dire que la résidence alternée ne doit
pas être une sorte de partage de l'enfant en deux parties égales. Ce mode de
résidence doit permettre à l'enfant de ne pas rompre le contact avec l'un de
ses parents et non à chaque parent d'avoir "sa part d'enfant". Il
faut donc le moduler en fonction des besoins de l'enfant. Lors d'un débat
télévisé récent sur France 3, j'ai donné comme exemple le cas des nourrissons
pour lesquels il est évident que la mise en place des mécanismes de
l'attachement nécessite le respect du rythme particulier de l'enfant*.
Je ne peux qu'insister sur ce dernier point pour dire 1) que la fonction de
l'attachement est primordiale pour le développement harmonieux de l'enfant, 2)
que cette fonction doit tenir compte des données chronopsychologiques
qui établissent qu'un enfant très jeune ne perçoit pas le temps comme un enfant
plus âgé. Je n'ai pas le temps de développer ce point, mais je le résumerai en
disant qu'un nourrisson ne peut sans dommage être séparé de sa figure
d'attachement plus d'une journée (ce qui est déjà beaucoup). Je m'autorise
à affirmer ce dernier point non en fonction d'études contrôlées, comme dans les
points précédents, mais en fonction de ce que nous avons pu maintes fois
constater à "La passerelle" (lieu de médiation parentale). A ma
connaissance il n'existe pas en effet d'études sur les nourrissons en résidence
alternée. On remarquera par exemple que l'étude de Shiller (déjà cité) précise
que l'auteur a travaillé sur des enfants "en période de latence" (de
plus de six ans).
J'ai tenté d'être clair et précis dans ma
réponse. Elle est conforme à toutes mes précédentes déclarations et à mes
différents écrits. Je ne sais que dire de plus."
* souligné par nous.
2) Il n'est jamais
souligné que les travaux publiés et cités portant sur la garde alternée,
comme ceux de G. Neyrand, ne concernent pas les nourrissons, les auteurs
qui se prononcent à ce propos indiquant que l'âge de six ans leur paraît l'âge
minimum pour sa mise en place, âge où l'enfant peut réellement comprendre le
sens de ce que les adultes décident et mieux supporter l'absence.
3) On s'appuie souvent sur
des travaux réalisés par les sociologues, qui ne sont pas formés pour apprécier
l'état psychique d'un nourrisson. Ainsi D. Côté, sociologue, pense que si ce
dispositif est mis en place, il doit être un "modèle d'équité entre les
sexes". Elle propose pour les bébés un système trois jours chez le père -
deux jours chez la mère - deux jours chez le père - trois jours chez la mère,
pour parvenir à cette égalité, sans évaluation de l'éventuelle souffrance
affective de l'enfant. Ainsi G. Neyrand, sociologue partisan de la
résidence alternée, répond à une mère dont le bébé, depuis la mise en place
d'une telle mesure à l'âge de sept mois, pleure silencieusement pendant son
sommeil, a des réveils fréquents la nuit, présente un visage sans expression
pendant plusieurs heures à chaque retour, et a des instants de panique dans la
journée : "Le fait que votre bébé en arrive à pleurer la nuit ne me semble
pas anormal : il a à faire le deuil de l'amour que ses parents avaient l'un
pour l'autre quand il a été conçu" (sic). Les bébés sont encore plus
compétents que nous le pensions…
4) Le faux argument de
la modernité ou l'art de déformer l'histoire.
Certains partisans de la
résidence alternée, les arguments concernant l'importance prédominante du lien
mère-enfant reposeraient sur le fait suivant : la psychanalyse peinerait à se
départir du modèle familial bourgeois de l'époque viennoise de Freud, qui ne
laissait que peu de place pour le père auprès d'un enfant petit. C'est omettre
sans aucune gêne que les travaux scientifiques sur l'attachement sont beaucoup
plus récents, 1969 pour Bolwby et Robertson, 1974 et 1978 pour Ainsworth, 1994
et 1998 pour Main, etc, et ils se poursuivent actuellement.
D'une manière générale, il
est inquiétant de constater comment la presse cite ces travaux souvent sans en
avoir lu la totalité, sans avoir vérifié l'exactitude des sources, et parfois
avec un a priori idéologique bien établi.
On peut regretter que
d'une manière générale, la Justice n'évalue pas les résultats de ses décisions
lorsqu'elles impliquent des enfants d'une manière importante. Plus exactement,
les magistrats évaluent parfois individuellement l'effet de leurs ordonnances,
de leur propre chef ou à la demande d'un parent, mais il n'y a pas d'évaluation
au long cours, d'expériences vraiment mises en commun qui permettent de construire
des grandes règles de "conduites à tenir nuancées". Nous perdons
ainsi une possibilité considérable de réfléchir de manière scientifique et non
émotionnelle sur cette question.
Sommes-nous là face à
l'éternel problème de l'enfant qui n'a pas les moyens de faire entendre sa voix
et sa souffrance, si bien que seule la parole des adultes est prise en compte ?
Oui, mais pas seulement. Il existe une face cachée lorsque de telles décisions
sont prises. Chez le juge d'abord, qui se débarrasse de la gestion de la
conflictualité du couple, ce qui est pourtant son travail, en faisant
"cinquante-cinquante". A l'enfant de se débrouiller avec cela. Mais
les juges aussi sont des êtres
humains comme les autres, comme tout le monde ils ont une histoire personnelle,
et notre hypothèse est qu'il existe vraisemblablement chez certains juges qui
prennent des décisions aussi aberrantes un ressentiment inconscient contre la
mère en général, ou contre la relation qu'une mère peut avoir avec son bébé.
Chez les pères aussi. Nous
avons remarqué que chez tous les pères que nous avons reçus en expertise et qui
exigeaient une garde alternée pour leur bébé, existait une pathologie
plus ou moins importante : risque de dépression paternelle qui fait que
l'enfant est l'objet d'un investissement "narcissique" particulier,
déni de ce qu'une mère peut apporter à un enfant petit, désir de soumettre le
nourrisson à un forçage éducatif précoce car "la personnalité se forme
très tôt", père sous la coupe de ses propres parents qui le poussent à augmenter
le temps de droit de garde paternelle au-delà de ce qui est souhaitable,
parfois même traits de caractère franchement pathologiques, etc. Souvent aussi,
il s'agit de pères qui ne supportent pas le départ de leur conjointe.
Mélangeant alors la mère et la femme, d'autant plus que la séparation du couple
a lieu dans un temps proche de la naissance, ils dénigrent leur ex-compagne en
la désignant comme une mauvaise mère, alors que pour avoir reçu en consultation
des mères pendant plusieurs mois dans de telles circonstances, nous n'avons pas
perçu quoi que ce soit d'inadéquat dans les échanges qu'elles avaient avec leur
nourrisson. En poussant le raisonnement au bout, on peut dire qu'une femme peut
démériter comme épouse sans démériter comme mère. Tous ces pères ne voudront
jamais reconnaître la souffrance de leur enfant lorsqu'il est séparé longtemps
de leur ex-compagne. Dans ce dernier contexte, ces pères expriment clairement,
mais hors tribunal, une volonté de faire souffrir leur ex-partenaire par le biais
de l'enfant, refusant par exemple de donner la moindre nouvelle du bébé pendant
qu'ils en ont la garde. C'est aussi une manière d'"effacer" la mère,
et les moments d'hébergement prolongés chez le père sont alors d'autant plus
nocifs que ce dernier n'évoque jamais la mère absente avec son nourrisson.
Certains hommes utilisent la souffrance de la mère comme moyen de l'obliger à
renouer un lien. Ainsi un père exigeait pour renoncer à prendre son nourrisson
pendant un mois entier que la mère lui donne son numéro de téléphone qui était
sur liste rouge, afin qu'il puisse lui proposer la reprise d'une vie commune.
Chaque fois qu'à propos d'un enfant de moins de six ans, un père exige d'avoir
sa part égale d'enfant, du lieu de contacts réguliers et suffisamment fréquents
pour être signifiants, il y a de fortes chances pour qu'il soit ou dans la
haine, ou dans une idéologie déconnectée de la réalité. Enfin il est frappant
de constater la fréquence des gardes alternées auxquelles les mères consentent
parce qu'elles ont été soumises à des menaces de mort ou de suicide du père
incluant éventuellement l'enfant, ce dont la Justice n'est en général pas mise
au courant.
Face à ces situations,
certaines mères partent à l'étranger avec leur enfant, là encore non pas dans
une démarche d'exclusion du père, mais pour protéger leur enfant et attendre
qu'il soit assez grand pour supporter les exigences de garde paternelle. Ce
faisant, elles se mettent hors la loi, sacrifient leur situation
professionnelle, et se retrouvent en situation financière difficile avec une
couverture sociale aléatoire.
VI - PROPOSITIONS.
1) L'ensemble de ce
contexte relationnel et ses risques devrait amener à un dispositif législatif
beaucoup plus protecteur pour l'enfant, éventuellement assouplissable suivant
les situations, à l'inverse de la loi actuelle. Ceci aurait aussi l'avantage de
couper court à la conflictualité exacerbée dont un bébé peut être l'enjeu.
2) Il serait souhaitable qu'une commission
d'experts de la petite enfance :
-
examine l'ensemble des travaux écrits au
sujet de la garde du bébé,
-
ait éventuellement des entretiens avec les
pères et mères qui ont déjà expérimenté les dispositifs de séparations répétées
(en incluant les situations qui semblent ne pas avoir généré de troubles)
-
observe les enfants en présence de leurs
pères et mères, ainsi qu'aux moments de séparation et dans les heures qui
suivent
-
donne son avis en tenant compte aussi de
l'expérience clinique de ces experts
-
évalue le niveau de stress des bébés par
un dosage de leur cortisol salivaire
Nous ne comprenons
pas pourquoi les associations de pères, qui estiment que la résidence alternée
est le meilleur dispositif pour l'épanouissement des enfants petits, ne
soutiennent pas cette proposition. Si
leurs affirmations sont exactes, elles n'ont rien à redouter de cette
recherche.
3) En attendant les conclusions de cette commission, il serait
nécessaire que quatre degrés de séparation mère-enfant soient mis en place, en
fonction de l'âge de l'enfant (calendrier proposé par T.B. Brazelton et S.I.
Greenspan, 2001).
De 0 à 1 ans,
l'enfant pourrait rencontrer son père deux à trois fois par semaine, chaque
fois pour une durée d'une grande demi-journée, au domicile paternel. Deux
demi-journées pourraient être regroupées en une journée, sans passer la nuit
chez lui.
De 1 à 3 ans,
les recommandations précédentes peuvent être nuancées suivant le niveau
d'entente entre les parents, la manière dont le père a été impliqué dans les
soins précoces avec l'enfant, la capacité de chaque enfant à gérer le
changement. L'enfant ne pourrait aller la nuit chez son père que quand il
serait familiarisé avec le foyer du parent chez lequel il n'habite pas. Il ne
pourrait être absent un week-end complet avec deux nuits qu'à partir de 3 ans.
De 3 à 5 ans,
l'hébergement pourrait se faire chez le père sous la forme d'un week-end tous
les quinze jours, et d'une rencontre une demi-journée éventuellement dans la
semaine.Vacances de quinze jours chez le père à condition de maintenir des
contacts avec le parent chez qui réside l'enfant.
Au-delà de 5 ans,
c'est-à-dire lorsque l'enfant a atteint une capacité de pensée lui permettant
de comprendre ce qui se passe, on pourrait envisager des vacances chez le père
pendant un mois en plus du droit de garde précédent.
Au-delà de 6 ans, si
la mise en place d'une garde alternée est envisagée, il serait nécessaire de
préciser dans quelle condition elle peut être favorable au développement de
l'enfant. A noter que Claudette Guilmaine propose le terme de "garde
partagée" dans son ouvrage sur la garde des enfants en cas de divorce.
Elle préfère cette expression à celle de garde alternée, car elle indique qu'il
n'y a pas de nécessité que les parents aient le même temps de garde, le plus
important étant le fait que les parents se partagent la responsabilité de
l'enfant, avec comme idée maîtresse le maintien du lien et l'engagement des
parents dans le quotidien de l'enfant. Parmi les conditions minimales
préalables à la mise en place d'une garde partagée, elle cite le fait que
chaque parent soit capable de parler à l'ex-conjoint, du moins en ce qui
concerne l'enfant.
4) Il serait nécessaire qu'il y ait systématiquement l'avis d'un expert
formé aux besoins psychiques des bébés pour évaluer quel calendrier
convient le mieux. Une telle évaluation devrait aussi porter aussi sur la
personnalité des parents. En effet, lorsque se pose la question de la résidence
alternée pour un enfant petit, c'est-à-dire lorsqu'un couple se sépare avant ou
peu après la naissance d'un enfant, on ne se trouve pas dans une situation de
divorce relativement "simple" (cela n'est jamais vraiment simple), dû
à une "usure" de l'amour ou à un conflit de caractère, mais face à
une situation toujours complexe, tant du côté maternel que paternel.
5) En ce qui concerne la mise en place d'une médiation, si
l'idée paraît intéressante, nous avons cependant constaté que plusieurs
associations de médiation ont pris des positions idéologiques en faveur de
l'application inconditionnelle de la résidence alternée pour les enfants
petits, au détriment des besoins affectifs de ces derniers. Nous sommes donc
très sceptiques quant à l'objectivité et l'aide que peuvent apporter ces
médiateurs.
Une autre médiation,
indispensable celle-là, serait l'utilisation
d'un carnet sur lequel serait marqué par chaque parent non seulement le minimum
d'information sur l'état de santé de l'enfant, mais aussi sur ses jeux, ses
occupations, ses peurs, ses progrès, etc.
6) Les équivalents nocifs de résidence alternée.
Au cours de l'été 2003, la Chancellerie a envoyé une note interne
aux Tribunaux de Grande Instance, demandant d'éviter les décisions de résidence
alternée si la séparation des parents a lieu sur fond de violences conjugales,
ou si les parents ne s'entendent pas, ou s'ils habitent loin, ou si l'enfant
est trop jeune.
A la place apparaissent des équivalents de résidence alternée dont
on constate qu'ils entraînent les mêmes symptômes que la résidence alternée.
Même un éloignement d'un week-end comportant deux nuits peut provoquer de
l'angoisse chez un bébé.
Ainsi l'ordonnance judiciaire suivante, bien qu'elle s'oppose à la
demande de résidence alternée du père, ne respecte pas suffisamment de principe
de progressivité, malgré les apparences.
"Dans l'intérêt de X âgé aujourd'hui
de quatorze mois, il convient de maintenir sa résidence habituelle chez la
mère, les liens du nourrisson ou du très jeune enfant avec la mère devant être
nécessairement protégés pour permettre à l'enfant, petit à petit, de sortir de
la quasi fusion liée à la grossesse et des relations privilégiées, et sans
doute génétiques, du nourrisson à sa mère. Le père même maternant ne peut
remplacer ce lien. Il doit par contre être présent pour assurer son rôle
spécifique d'ouverture du petit enfant sur l'extérieur.
Il convient en conséquence d'allouer au
père un large droit de visite et d'hébergement :
- les 1ère, 3ème et
éventuellement 5ème fins de semaine de chaque mois du vendredi après
la crèche au lundi matin à la crèche,
- tous les mercredis du mois du mardi soir
après la crèche au jeudi matin à la crèche,
- la première moitié des petites vacances
scolaires les années impaires et la seconde moitié les années paires,
- la première quinzaine de juillet et
d'août les années impaires et la deuxième quinzaine de juillet et d'août les
années paires étant précisé que le partage par quinzaine des grandes vacances
scolaires cessera dès que X aura atteint l'âge de trois ans et que se
substituera alors le même régime pour les grandes vacances que pour les petites
vacances à savoir le partage par moitié en alternance."
Cet enfant de quatorze
mois se trouve donc séparé de sa mère du vendredi matin (moment où il est amené
à la crèche) au lundi soir deux à trois fois par mois. A cela, il faut ajouter
une absence du mardi soir au jeudi matin, donc certaines semaines l'enfant ne
voit sa mère que du lundi soir au mardi matin et du jeudi soir au vendredi
matin. Et cet enfant aussi jeune sera séparé de sa mère deux fois quinze jours
pendant l'été. Derrière l'affirmation par le magistrat d'un principe de
continuité de la relation mère-nourrisson, le calendrier proposé présente
presque les mêmes inconvénients qu'une résidence alternée.
A l'opposé, voici le
calendrier proposé pour un bébé de huit mois, et qui nous paraît intéressant,
en sachant qu'il sera amené à évoluer : le père prend son bébé le mardi et le
jeudi de 16h30 à 20h00, moment où l'enfant ne fait pas la sieste, et un samedi
sur deux de 10h00 à 19h00. On peut imaginer des horaires différents, mais le
principe est que ce système évite des longues coupures de la relation de
l'enfant et avec sa mère et avec son père.
ANNEXE
ASSOCIATION FRANÇAISE DE PSYCHIATRIE
Le 31juillet
2002
Réf.
CV/ATV/DA
Monsieur
Dominique PERBEN
Garde des Sceaux
Place Vendôme
75001 PARIS
Copie
pour information
Objet : Loi du 04.03.02 à
Monsieur le Professeur François MATTEI
Intervention du
Docteur Berger Ministre
de la Santé, de la Famille
et
des Personnes handicapées
Monsieur le Ministre,
Alertés par le Docteur Berger qui vous a lui-même déjà écrit à ce
sujet, et en notre qualité d’Association scientifique de psychiatres la plus
importante en nombre et en diversité d’exercices, nous nous permettons
d’insister auprès de vous pour que soient reconsidérés certains articles de la
Loi du 04.03.02.
En effet, nous pensons que cette Loi, à vouloir l'équité obtient
l’équanimité, à se vouloir égalitaire devient égalitariste, c’est-à-dire
réductrice des besoins spécifiques de l’enfant qui évoluent en fonction de son
âge. Elle représente un vrai jugement de Salomon car, ne pas différencier les
besoins d’un enfant de 2 mois avec ceux d’un enfant de 2 ans est une
méconnaissance dont les effets peuvent être particulièrement graves pour le
développement de l’enfant. Cette évidence, connue empiriquement de toutes les
sociétés, même les plus primitives, est également respectée dans les sociétés
traditionnelles. Nos sociétés modernes ont parfois à le réapprendre en évoquant
non pas la tradition, mais les connaissances scientifiques qui valident alors
l’empirisme.
Ainsi, par exemple, reconnaissant les ravages des traumatismes des
séparations précoces, les médecins hospitaliers ont pris l’habitude
d’encourager les mères à accompagner leurs nourrissons dont l’état de santé
nécessite une hospitalisation.
Bien sûr, chacun des deux parents a les mêmes droits, mais pas la
même utilité au même moment, pour l’enfant. Méconnaître la prééminence de la
mère au début de la vie, c’est méconnaître que le petit d’homme naît prématuré,
qu’il poursuit alors son développement neuro-encéphalique et qu’il ne commence
à s'individuer qu’après un temps d'intense relation avec la mère et
avec le corps de la mère. Ce temps fondateur et sa nécessaire évolution ne sont
pas compatibles avec l'exercice de droits des parents qui seraient égalitaires.
Bien au contraire, il faut respecter le temps nécessaire pour l’enfant, son
droit à lui.
C’est pourquoi nous nous permettons d’insister solennellement pour
que vous mettiez en place une commission d’experts reconnus par la profession,
qui réélaborerait ce texte par trop irréaliste et dangereux, afin qu’il puisse
répondre de manière plus efficiente et souple aux besoins des enfants, comme à
ceux des parents parfois trop souffrants ou trop en crise.
Nous nous tenons à votre disposition pour en débattre et pour
proposer -éventuellement le nom de personnalités scientifiques incontestables.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer,
Monsieur le Ministre, l’expression de notre considération distinguée.
Docteur
Christian VASSEUR Docteur
Jean-Michel HAVET
PRESIDENT SECRETAIRE
CENERAL
Ce courrier n'a pas eu de réponse.
BIBLIOGRAPHIE
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[1] Afin
de ne pas alourdir ce chapitre, pour la bibliographie nous renvoyons le lecteur
à M. Berger, "Le droit d'hébergement du bébé concernant un enfant",
Revue Dialogue, n° 155, p. 90-104.
[2] On
connaît maintenant très bien les dégâts souvent irréversibles produits par une
discontinuité dans l'environnement, en particulier dans certaines pouponnières
où les nourrissons ont à faire à un nombre trop élevé d'auxiliaires de puériculture sans moments de relation
individuelle prolongée lorsqu'ils ont moins de dix huit mois. Ces enfants
deviennent souvent hyperkinétiques, mettent toute leur énergie à s'accrocher à
l'adulte ou au contraire sont incapables d'établir un lien avec autrui.
[3] Dans
des situations de maltraitance intrafamiliale et d’inceste, on dit de l'agresseur
qu’"il ne se comporte pas comme un parent”.
[4] Nous mettons à part les
situations où la mère a une personnalité pathologique (troubles psychiques
graves, inconstance dans les soins, nocivité) qui nécessite que la garde soit
confiée au père.
[5] Les
effets d'une séparation mère-bébé ont été de nouveau filmés récemment, dans le
cas d'une mère partant en vacances huit jours et laissant son enfant de neuf
mois en garde à sa grand-mère maternelle qui le connaissait très bien. On
constate sur ce document les difficultés du bébé à reprendre contact avec sa
mère à son retour, difficultés qui peuvent se prolonger (documents vidéos du
Centre du puériculture et de pédagogie appliquée Sucy-en-Brie).
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