http://www.atlantico.fr/decryptage/pourquoi-ne-faut-pas-estimer-sentiment-abandon-que-gpa-genererait-chez-enfants-temoignage-enfant-adoptee-2200061.html
Quand on n’a que l’amour et qu’on ne peut pas
avoir d’enfant, on est autorisé, aujourd’hui, à en programmer un qui sera
arraché à sa mère dès la naissance
Quand on n’a que l’amour et qu’on ne peut
pas avoir d’enfant, on est autorisé, aujourd’hui, à en programmer un qui sera
arraché à sa mère dès la naissance. Tout se passera bien pour cet enfant, on
lui expliquera tout : ton papa et ta maman, ou tes deux mamans, ou tes
deux papas, ne pouvaient pas te concevoir. Alors ils ont loué une dame très
gentille qui avait des enfants et ils sont allés te chercher très loin
pour te ramener chez eux. Quand on n’a que l’amour… Et puis le petit bébé va
grandir, il va demander qui est sa maman, et réaliser qu’il a deux ou trois
mamans : mais alors qui est ma vraie maman ?
Alors j’ai été abandonné ? Alors vous
m’avez négocié, fabriqué, trié, acheté ? Pas de problème, dites-vous,
quand on a que l’amour, on sait expliquer… c’est moi, ta vraie maman : moi
qui avait l’intention de t’avoir ! Oui mais, à qui je
ressemble ? Quand on n’a que l’amour…
Et puis l’adolescent se fait jour et avec
lui le temps des questions tortueuses, le temps des frottements, le temps
de la construction de l’identité et des remises en cause : Vous n’êtes pas
mes vrais parents, je veux ma maman, j’irai la chercher. Quelles sont mes
origines ? Je déteste me voir dans la glace, je ne sais pas à qui je
ressemble, je me sens mal, pourquoi ? Quelle est cette colère sourde qui
gronde en moi sans s’apaise… ? Quand on n’a que l’amour… Mais nous t’avons
élevé, nous t’aimons, pourquoi ne vas-tu pas bien mon chéri ? Tu as été
choisi parmi les meilleurs, pourquoi n’es-tu pas heureux ? Ah oui, entre
la case assurance handicap et le choix de la couleur des yeux, cette case
n’était pas prévue dans le contrat de GPA.
À tous ceux qui parlent de la Gestation
Pour Autrui, de ce bonheur d’être né et abandonné par sa mère, à tous ceux-là,
il est temps de dire que nous, les adoptés, nous avons une vraie expérience de
la situation. Laissez-nous vous dire que nous portons pour toute notre vie
cette blessure d’abandon. Nos parents adoptifs nous ont donné une vraie chance
de bien redémarrer et c’est un sacré défi pour tous. Comment derrière vos
prétoires, Messieurs les juges, comment assis sur vos bancs, Messieurs les
Députés, pouvez-vous ne pas réaliser qu’un enfant n’est pas une chose, qu’il a
des sentiments et un ressenti de ce qui lui arrive, même tout petit ?
Comment pouvez-vous ignorer que nous avons une peur panique de l’abandon et que
nous n’aimons pas le changement ? Pourquoi ne pas vouloir entendre que
nous sommes marqués par cet arrachement de départ ?
Mais, nous les adoptés, savons aussi que
nos parents adoptifs ne sont pour rien dans ce qui nous est arrivé. Nos parents
adoptifs ne nous ont pas soumis à cette blessure. Ils se sont employés à la
guérir. Au contraire, ces petits sans voix, nés d’une GPA et arrachés à leur
mère, comment pourront-ils exprimer plus tard leur souffrance et leur mal-être,
auprès de parents qui ont programmé l’abandon de leur propre enfant ?
Nous, enfants adoptés, n’avons pas ce conflit de loyauté qui sera le leur, et
leur interdira de dire leur souffrance, allant même jusqu’à les priver de mots
pour la penser et se la dire à eux-mêmes.
Réalisez-vous sérieusement que ces filles
arrachées à la naissance à leur mère deviendront un jour elles-mêmes
« maman ». Mais le pourront elles seulement, tant leur petite mémoire
leur rappellera la souffrance de leur départ dans la vie ? Comment vous
faire comprendre cette évidence : nous les enfants nous ne voulons pas
être créés pour être abandonnés. Quand on a que l’amour… on n’arrache pas un
enfant à sa mère.
Anne-Claude
Venot
Présidente de l’Agence Européenne des Adoptés
Présidente de l’Agence Européenne des Adoptés
Discours du 18 juin 2015 devant le Palais
de Justice de Paris
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