Lettre à Anne Zelensky : Certaines féministes sont dans un combat sans merci, il s’agit de tuer
Publié le 28 février 2011 par Michele Baron
Anne Zelensky, une de nos rédactrices, est l’objet depuis sa participation aux assises du 18 décembre, d’une sorte de lynchage de la part de certaines féministes. Deux faits parmi d’autres . Numéro de janvier de « Prochoix » où Caroline Fourest prétend qu’elle milite avec l’extrême droite, et où elle publie deux textes à charge, sans jamais citer les articles de « l’accusée ». Puis censure pure et simple d’un séminaire où Anne était invitée le 24 février à intervenir en tant que témoin historique du MLF. La prof prétend avoir subi de telles pressions qu’elle s’est crue obligée de censurer la séance. Bel exemple d’intolérance de la part des chantres de la tolérance. Par contre d’autres féministes, et pas des moindres comme Michelle Baron, qui a un poste de responsabilité à Bruxelles, soutiennent Anne. Voici la lettre qu’elle lui a adressée et où elle développe une analyse très juste de la situation. Chacun/e y trouvera d’intéressants éléments de réflexion.
Chère Anne,
Voici en vrac ce que m’inspire la curée dont tu es l’objet de la part de certaines féministes.
De fait, il s’agit pour toi de faire passer un discours qui ferait bouger les lignes et qui serait utile pour l’avenir et si je comprends bien on te conteste la légitimité de la parole par des moyens peu amènes. On est dans un combat sans merci. Il s’agit bien de tuer.
En réalité une position politique est très longue à bâtir, à murir et à faire émerger, sauf si on se place dans le réactif pur. Une vraie idée prend du temps, une connaissance suffisante des tenants et aboutissants, prend du temps. Cheminer avec d’autres est la seule démarche valable à condition de trouver ceux et celles avec qui échanger, qui ne vous mépriseront pas, qui voudront pas votre mort. Je partage ta position. Je te recommande de creuser ton sillon et d’ouvrir toutes les voies d’expressions possibles sans te préoccuper des chiens qui aboient.
Légitimité du discours
Je ne suis étonnée, ni par les coups bas, ni par ce déchainement dès que l’on s’éloigne de la pensée acceptable du moment. Chaque chapelle a bâti son discours pour l’opposer, voire l’imposer aux autres à l’occasion de grands messes médiatiques.
Le problème pour bien des femmes est qu’il ne leur est reconnu aucune position dominante de fait et que leurs propres constructions, aussi solides soient-elles, sont objets de mépris.
La raison a peu à faire dans cela. C’est de l’intérêt bien compris, du commerce et de l’opportunisme que de défendre ses positions par tous les moyens. Il faut, en effet, faire partie d’une institution sociale ou politique, de préférence prestigieuse, ou d’une coterie en vogue pour être écouté. Il n’y a que trois lieux qui le permettent : l’université, les diverses institutions, dont les partis, et les médias. De là, les leaders, les divas et les experts ont alors une parole légitimée, le temps qu’elle soit remise en question par d’autres modes. Le féminisme français est dans un tel état d’inorganisation et de batailles accessoires, il a été tellement récupéré pour de bonnes et mauvaises raisons, qu’il ne représente en rien un lieu de débat fraternel et de reconnaissance, malheureusement.
Anne Zelensky, en compagnie de Simone de Beauvoir et d’Yvette Roudy.
Construction de la pensée
Le discours politique semble ne se conforter et ne se polir que dans un appareil, avec pour risque des allégeances et des renoncements. Cela peut être difficilement le cas dans le milieu dit féministe qui tourne sur lui-même, sans règles et sans reconnaissance de l’autre. C’est dommage car il est bien difficile de déconstruire l’essentiel et de proposer un nouveau pacte social ; cela bouscule, déstabilise et met chacune face à ses manques et ses contradictions. L’humain est grégaire et a besoin de reconnaissance. Les femmes comme les hommes. Sauf que les constructions sociales, politiques et religieuses sont le fait des hommes, que ce sont elles qu’il faut remettre en cause, et que peu de femmes résistent à une alliance de confort. Je ne suis pas contre à priori mais je connais les résistances. Qui cèderait gratuitement aux autres les privilèges dont il est bénéficiaire ? Qu’elle femme cèderait un pouvoir de parole acquis de haute lutte, ou admettrait la remise en question d’un système difficilement construit ?
Fraternité
En France, depuis 1793, on a déchu et tué le roi (le père symbolique) et par la suite on a essayé de tuer Dieu. Depuis, c’est la course au pouvoir. Chacun veut prendre la place. Par une préscience remarquable, la devise « Liberté, égalité, fraternité », se termine par fraternité ; à croire que déjà l’on savait que les frères (et les sœurs) issus de la révolution allaient se faire une guerre sans relâche pour prendre les trônes laissés vacants.
Depuis, des féministes ont été exécutées d’une manière ou d’une autre, et d’autres ont ralliés les institutions du moment, ainsi que les discours dominants, pour participer au concert de paroles et s’octroyer un peu de bien être social et financier. Hommes comme femmes, les ressorts sont les mêmes et bien peu résistent à l’appel du pouvoir, même très partiel. Bien peu ont le souci de faire avancer humanité au delà des reflexes premiers de survie et d’intérêts immédiats.
Amitiés
Michèle Baron
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